Saturday, January 29, 2011

QUI EST VERONIQUE ROY DUVALIER

La mystérieuse Véronique Roy est le cerveau du retour inopiné et controversé de Jean-Claude Duvalier à Port-au-Prince. A quoi joue cette compagne très affairée ?

Silhouette fluette et lunettes fumées, elle a surgi sur l'avant-scène le 16 janvier, dans le sillage de l'ex-dictateur haïtien Jean-Claude Duvalier, 59 ans, de retour au pays après un quart de siècle d'exil en France. L'énigmatique Véronique Roy est bien plus que la conjointe et porte-parole de "Baby Doc". "Sans elle, jamais celui-ci ne serait rentré", tranche l'écrivain américain Bernard Diederich, implacable chroniqueur de la tyrannie duvaliériste. Les proches du revenant reconnaissent l'ascendant qu'exerce sur lui l'ambitieuse Véronique. "Elle a toujours eu envie de jouer un rôle politique", admet Me Sauveur Vaïsse, qui fut l'avocat de François Duvalier, l'ubuesque satrape au pouvoir de 1957 à 1971, puis de son fils Jean-Claude, intronisé à l'âge de 19 ans.

La rencontre date du début de la décennie 1990. Anéanti par un divorce ruineux, l'héritier destitué, établi sur la Côte d'Azur, flirte alors avec l'indigence. Alcool, dépression: Baby Doc n'est plus que l'ombre pathétique du flambeur épris de bolides de luxe et logé dans des villas de rêve. Un épais mystère flotte sur le parcours de sa nouvelle compagne, connue à l'époque sous le nom d'Hermance. Les uns évoquent un passé de styliste familière des monarchies du Golfe; d'autres une carrière de conseillère en relations publiques. Parce qu'elle parle le créole et porte un patronyme fameux à Port-au-Prince, on lui prêtera même des origines haïtiennes, quitte à lui conférer le statut de petite-fille de Paul Eugène Magloire, chef de l'Etat de 1950 à 1956. "Légende, objecte Bernard Diederich. Elle n'a pas une goutte de sang haïtien dans les veines." De l'aveu d'un avocat fidèle à Jean-Claude, Véronique détient un passeport français.

Une certitude: cette brune avenante et manoeuvrière sait faire preuve de constance. En 1995, lorsque Patrick Budail, gérant de L'Eden bleu, à Mougins (Alpes-Maritimes), porte plainte pour grivèlerie et escroquerie contre Duvalier fils et sa mère, Simone, descendus dans son hôtel sous les noms de M. et Mme Valère, elle apure en deux chèques une partie de l'ardoise. De même, raconte Budail, c'est bien elle qui orchestre ensuite la fuite à la cloche de bois du "couple" impécunieux, bientôt hébergé dans sa famille. Pour l'anecdote, l'hôtelier renonça aux poursuites sur l'injonction de deux agents des Renseignements généraux tricolores. Cinq ans plus tard, après une errance qui le conduit de Puteaux (Hauts-de-Seine), au Claridge, palace parisien des Champs-Elysées, Jean-Claude s'installe place du Costa-Rica (XVIe), dans un deux-pièces acquis, ou loué, par sa partenaire.

Elle plaide la cause de l'ancien "président à vie"

D'emblée, celle-ci chaperonne son compagnon. Elle verrouille l'accès au despote déchu, filtre les demandes d'interviews, voire souffle les réponses. Il lui arriva même de prier en vain un journaliste français de tenir la plume de Jean-Claude, censé rédiger ses Mémoires. "Jamais Mme Roy ne me laissait seul avec lui, raconte Diederich. Après qu'elle eut rompu tout contact, ce pauvre diable téléguidé m'a appelé, embarrassé: ''Pardonne-lui, Bernard, elle aime tant Haïti...'"

Amour impérieux et méthodique: voilà des lustres qu'à la faveur de maintes tournées Véronique plaide la cause de l'ancien "président à vie" et collecte des fonds, tant au pays qu'au sein de la diaspora haïtienne de Miami, de New York ou du Canada. En octobre 2006, elle oeuvre au lancement d'une Fondation François-Duvalier, vouée à "honorer la mémoire" du défunt Papa Doc. Preuve que Véronique Roy-Duvalier ne doute de rien.

Wednesday, January 19, 2011

Radiographie d’une presse réactionnaire, jadis progressiste

Radiographie d’une presse réactionnaire, jadis progressiste «Le simplisme, un mal sociologique à éradiquer» Pierre Bourdieu Par Joël Léon Les émeutes de trois jours qui avaient saccagé le pays après la proclamation des résultats du premier tour des élections du 28 novembre tiennent encore le pays entier en alerte. Ajouter à cela, le choléra et le quotidien morose des citoyens appauvris tous pris en otages. Tout effort de sortir de ce train-train journalier exige un surplus d’effort humain qui, très souvent manque au commun des mortels. En ce sens, je vais aborder un sujet essentiel qui m’a toujours tenu à cœur à propos d’Haïti : la presse haïtienne et son comportement à travers les événements de 2004 qui ont conduit au coup d’état contre Aristide, suivi de l’occupation du pays et, celui de l’après 5 Décembre 2010. Nous rêvons encore de la presse militante proche du peuple qui fleurissait après la fin de la dynastie duvaliérienne. Longtemps avant de sombrer dans la vacuité morbide de la dominance, sous le charme des sirènes de la presse globale, dite de référence. En peu de temps, le champ médiatique a subi deux transformations fondamentales, la première était due au fait des tentatives dictatoriales de l’armée d’Haïti défunte qui, a chaque coup d’état expulsait volontairement ou non des journalistes engagés en exil. Ces travailleurs de presse subissaient les retombées d’une politique globale antipopulaire mise en œuvre dans les états en transition démocratique. Dont l’essence était de vider le pays du mouvement populaire. L’USIS fut le pilier de cette politique qui consistait à grossir hors du pays un nombre imposant de journalistes vedettes qui peuplaient les media du pays. Ernst Laventure Edouard, allias « Moloskot », fut parmi les premières victimes d’une longue série. Apres quoi, on rejoint Marcus Darbouze et Plaisimond… La deuxième transformation est le fait que bon nombre de journalistes engagés ont réussi leurs « transfert de classe ». Marvel Dandin et Liliane Pierre-Paul sont deux exemples typiques de journalistes transformés en patrons de presse, à partir de ce moment ils partagent les mêmes intérêts socio-économiques que les nantis traditionnels, exploitant leurs salariés en vue de maximiser leurs profits, même s’il faut admettre la particularité de l’industrie médiatique dans le tiers-monde qui n’est pas aussi riche comme ailleurs. D’autres, comme Daly Valet, Valery Numa, Marie Lucie Bonhomme…ont pénétré le cercle classique de la classe moyenne communément appelée aux Etats-Unis « American dream ». A la manière des grandes capitales occidentales, la presse haïtienne est capitalisée. Les riches s’approprient la totalité écrite, à l’exception des hebdomadaires haïtiens édités aux Etats-Unis : Haïti Liberté, Haïti en Marche, Haïti Progrès et Haïti Observateur. Les stations de radio ont connu une vague de mainmise aussi, pour la plupart, sous la présidence même de Jean B. Aristide. Les plus puissantes, telles que : Vision 2000, radio Métropole, Signal FM… ayant une couverture nationale, sont les produits de grands investissements venus du secteur le plus réactionnaire de la classe dominante, notamment les Boulos et compagnie. Ces medias, pendant tout le mouvement GNB, avaient démontré leurs capacités à faire et défaire les gouvernements en Haïti, prérogative constitutionnelle jusque-là confiée aux citoyens haïtiens. Les medias sont carrément passés à une vitesse supérieure en passant du stade de 4eme pouvoir à celui de 1er pouvoir. Dans ce même groupe de transfuges, il y a ceux-là qui ont abandonné le métier pour rejoindre le train de la richesse facile qu’est le pouvoir politique. Ils sont devenus ministres, conseillers à la présidence, secrétaires d’Etat, députés, maires… Toutefois, il faut reconnaître le rôle joué par Radio signal FM depuis la période post-sismique du 12 Janvier 2010 jusqu'à maintenant. Ces confrères de la presse ont été magnanimes en cette occasion, particulièrement pour ceux vivant à l’étranger. Signal FM constituait un fil de vie qui symbolisait encore l’existence d’Haïti comme nation. Le paysage politique haïtien s’est recyclé à droite a partir de l’année 2000. C’était le commencement d’une nouvelle ère, des leaders politiques haïtiens de « gauche », tels que : Gérard Pierre-Charles, Paul Denis, Sauveur Pierre Etienne, Turneb Delpé et des organisations de la société civile paradaient à Washington main dans la main avec le sénateur Jess Helms et autres ultraconservateurs de la politique américaine. Max Bourjoly, ancien numéro deux du PUCH, a souhaité la présence des troupes d’occupation dans le pays pour au moins vingt cinq ans. Les medias, eux aussi, ont subi cette même influence. Les journalistes haïtiens avaient aussi défilé dans la capitale fédérale dans des séminaires bidon, des séances de formation au rabais et des tours inutiles. Sous la baguette droitière de Stanley Lucas, ancien représentant de l’IRI en Haïti. Des dizaines d’étudiants ont parcouru Washington avec leurs hamburgers en mains scandant que « je suis heureux ». La droitisation à outrance de la classe moyenne a permis de récupérer un espace sociologique jusque-là jalousement tenu entre les mains des animateurs du mouvement populaire. Les journalistes d’aujourd’hui n’ont plus Gasner Raymond, Pierre Petit et Richard Brisson comme leurs modèles. Ils veulent devenir Peter Jennings, Tom Brokow et autres présentateurs américains. Ils s’identifient à M. Ménard de Reporters Sans Frontière, une organisation financée par le parti républicain américain, en guise de renforcer institutionnellement les organisations médiatiques locales. D’où le début du culte réactionnaire dans les media locaux. Le journaliste haïtien a toujours été vénéré, mais dans des conditions modestes et solidaire de sa classe. Je me souviens encore, après le massacre de saint Jean Bosco de 1989, de Liliane Pierre-Paul pleurant sur les ondes en diffusant les nouvelles sur l’état de santé de la mère de la petite fille, baptisée Esperanta pour sa protection, elle qui fut perforée dans le sein de sa mère par les bourreaux de Franck Romain à l’intérieur même de l’église martyre. En écoutant les nouvelles on pouvait sentir la douleur des journalistes face aux répressions systématiques dont était victime le peuple des bidonvilles et de la paysannerie. Les medias étaient en phase avec le quotidien des masses haïtiennes. Les braves des organisations populaires furent reçus en héros dans les salles de nouvelles. Les dirigeants de la plate-forme des organisations populaires de Carrefour-Feuilles : Wilfrid Destin, Jean-Claude Lubin, Tissaint Eralien, Patrice Laporte… étaient appréciés partout par les journalistes qui voyaient en eux des combattants de la liberté. Il fut un temps, la presse était digne, les journalistes étaient encore haïtiens. La capitalisation, tellement féroce, prend la forme scélérate de la corruption. Les missions diplomatiques utilisent la distribution de visas pour tenir journalistes et officiels sous leurs coupes. A des moments donnés, ils frisaient l’exagération en inventant des histoires de kidnapping ou de persécutions politiques pour l’obtention du droit d’asile. On les rencontre trop nombreux dans les ministères, pas pour interviewer des responsables mais à la recherche de moyens financiers personnels ou faveurs pour leurs proches. La noblesse du métier est en chute libre. Toutefois, il faut admettre que la presse haïtienne est académiquement mieux représentée aujourd’hui qu’avant. Les journalistes haïtiens sont mieux éduqués que leurs prédécesseurs, mieux préparés techniquement, encadrés d’équipement moderne et jouissant des dernières technologies. Paradoxalement, cette nouvelle réalité coïncide avec une dérive patriotique et nationale, au fur et à mesure que le métier est plus savant la réaction s’impose d’avantage. Le reporter a seulement un job qu’il exécute dans la plus grande froideur, il y a un excès professionnaliste qui le vide de sa responsabilité citoyenne, ce qui favorise le statu quo et l’étranger. Par exemple, l’occupation du territoire national est acceptée, l’immixtion journalière des missions diplomatiques dans les affaires haïtiennes n’est plus mentionnée. Quand l’ambassade américaine envoie une note à la presse, elle est diffusée incessamment et commentée en même temps partout comme s’il s’agit d’un ordre venu du maître des lieux. Les termes empruntés à la grande presse raciste internationale tels que : Haïti, entité chaotique ingouvernable, Haïti espace de non-droit etc. sont convertis en les leurs, ils les répètent comme des perroquets alors qu’ils sont pourtant très dégradants à l’endroit de leurs propres peuples. Ils n’ont plus ce sentiment d’appartenance qui portait les journalistes d’hier à prendre toutes sortes de risques. Je vis aux Etats-Unis depuis 17 ans, aucune presse n’est plus patriotique que celle de ce pays. L’attentat meurtrier du 11 septembre avait clairement démontré les limites de l’indépendance de la presse. Les medias étaient militarisés et s’autocensuraient. Tout journaliste non-conformiste était réduit au silence ou viré ipso facto, Dan Rather et Bill Maher peuvent en témoigner. C’était la raison d’Etat, fille de la sécurité nationale qui s’imposait à tous, en premier lieu aux medias. Les émeutes éclatées après la publication des résultats préliminaires du 28 novembre dernier par le CEP ont été rapportées marqués au coin du superficiel et du sensationnel. Les salles de nouvelles, apparemment, n’analysent plus les événements politiques. Martelly, chanteur de compas direct, a été mis devant la scène comme si tous les protestataires étaient membres du parti bidon « Repons peyizan ». Et pourtant, il était clair dans les esprits que le peuple en a marre de l’équipe gouvernementale, et que « Ti Simone » n’était rien d’autre qu’un alibi ou une raison opportuniste pour faire éclater leur colère face a un pouvoir vassalisé. Sur les 4.712.693 inscrits, seulement 1.074056 avaient voté le 28 novembre dernier, c'est-à-dire moins d’un tiers, soit environ 25% de l’électorat a pris part au scrutin. Considérant la grande foule qui envahissait les rues pour exprimer leur ras-le-bol, la différence était patente. Elle était quatre fois supérieure au nombre des votants, et pendant trois jours et trois nuits, les rues des dix départements géographiques du pays étaient occupées en permanence. Michel Martelly à qui on veut accorder la paternité des protestations n’a pas pu dépasser le seuil des 234617 votes au cours de la journée électorale émaillée d’incidents malheureux. Si pendant la campagne électorale aucun parti ou candidat n’avait pu réunir la grande foule, il serait insensé d’assigner les protestations postélectorales à un quelconque candidat. D’ailleurs, tous les observateurs étaient unanimement d’accord pour dire qu’il n’y avait eu aucun engouement électoral proche de celui du 16 décembre 1990. Et pourtant, les protestataires étaient si nombreux dans les rues qu’ils rappelaient la manifestation de joie du 17 décembre 1991. Le travail de la presse devrait d’analyser cette situation afin de permettre une meilleure compréhension de la mascarade du 28 novembre. Preval a tout fait pour qu’il soit perçu par le peuple comme un emmerdeur. Cependant, il faut comprendre l’acharnement de la droite contre son pouvoir. Paradoxalement, René Preval a débordé la droite classique haïtienne vers la droite, à la manière de l’ancien ailier droit de l’équipe de football Victory, Jean Michel Malenkov. En d’autres termes, le président a récupéré l’audience politique des partis traditionnels, il est devenu le chouchou légitime de l’ « american establishment ». Tout ceci, pendant une courte période, il a acculé les traditionnels alliés de Washington à l’orphelin, ce que les perpétuels chefs de partis ne lui pardonneront jamais. Voila ce que les journalistes haïtiens, pour la plupart, n’arrivent pas à communiquer à leurs lecteurs ou auditeurs. En une approche simple et intelligible, les problèmes de fond sont sacrifiés au profit de haine anti-lavalas et des valses électorales. Il y a une carence de journalistes d’opinions capables d’aider à déceler ce que l’américain appelle « inférence », c'est-à-dire les non-dits. Tout est conjoncturel dans les analyses, ce qui conduit à une sorte de climat disparate au niveau de l’opinion publique haïtienne. C’est le culte de l’information au détriment de la formation, c’est la fin du relatif et la dictature du manichéisme ou le « noir et blanc ». La perspicacité qui portait Gasner Raymond à enquêter l’exploitation des ouvriers du ciment d’Haïti n’existe plus chez les confrères. Dans les salles de nouvelles c’est l’autocensure totale. Chaque responsable politique a sa clientèle au sein des organes de presse, on a vu avec tristesse des commentateurs politiques faire l’apologie des dealers de drogue connus. Ils vont jusqu'à utiliser leurs micros pour pressurer des juges à prendre des décisions juridiques favorables à des corrompus de l’administration publique ou des trafiquants de drogue, pourvus qu’ils soient payés. Entretemps, on interdit le micro aux dirigeants d’organisations de base non-attachés à une organisation gouvernementale. Sous des formules fallacieuses de « chimères », on les définit comme des violents, ainsi on a expulsé du débat national la majorité du peuple haïtien. Il fut un temps où les journalistes marchaient droits et fiers (walking tall ) dans leurs quartiers, ce temps est révolu. A coté de ceux qui utilisent leurs positions de directeurs d’opinions pour promouvoir leurs agendas personnels, il y a ceux-là qui conservent encore dignement leurs positions de proximité au peuple haïtien. Ils travaillent dans des conditions extrêmement difficiles, avec peu de moyens ils réalisent des reportages extraordinaires, ils ne sont fils de personnes, sinon que de leurs consciences. Les correspondants des medias des villes de province restent fidèles à cette grande tradition de journalistes engagés dans la défense des paysans pauvres. Et, ils sont solidaires de leurs origines sociologiques, malgré vents et marées ils continuent d’être les proches des plus vulnérables de la société haïtienne en face des riches latifundistes et autorités cupides qui font la loi dans les zones inaccessibles. Ils sont les véritables héros et héritiers des grands travailleurs de presse qui ont toujours marqué l’histoire de cette noble profession. Joël Léon

Saturday, January 8, 2011

L'EXTERMINATION PROGRAMMEE DU PEUPLE HAITIEN

L’extermination programmée du peuple haïtien
Joel LEON

La journée du 28 novembre dernier vient d’illustrer en lettres majuscules le degré de putréfaction du mal dont souffre le pays. Définitivement, rien ne marche pour le système en place, en décomposition. Dans les annales historiques des élections en Haïti, aucun processus n’a été plus scandaleux que celui du 28 novembre, jamais. Et pourtant, 29 millions de dollars américains avaient été mobilisés pour réaliser cette mascarade. S’agit-il du « mal de René » qui frappe les élites haïtiennes ou de l’extermination programmée de tout un peuple ?

En observant l’acharnement avec lequel l’Internationale s’était lancée dans l’organisation des dernières élections haïtiennes laisse la porte ouverte à toutes sortes d’interprétations. Tout observateur lucide avait mis l’Internationale en garde contre l’organisation prématurée de ces joutes, parce qu’elles allaient conduire le pays vers une crise politique sans pareille. De façon obstinée, sourde elle a lancé le pays dans cette aventure sans issue, et voilà maintenant qu’on a eu des émeutes occasionnant plusieurs morts et transformant le pays en un baril de poudre prêt à sauter à n’importe quel moment. L’Haïtien est très pessimiste par rapport à l’avenir de son pays. Les promesses non tenues, les rendez-vous manqués et la mauvaise presse accablent les esprits les plus positifs. Nous sommes à moins d’un mois du 12 Janvier 2011, soit un an après le séisme, la situation générale n’a pas changé d’un iota. Les réunions internationales se succèdent dans toutes les capitales du monde, les appels à l’aide de l’ONU se multiplient, les manifestations de bonne volonté s’accumulent…mais où sont passées les actions concrètes promises par Barak Obama et autres maîtres du monde ? Le peuple se meurt et vit son chemin de croix quotidiennement et en silence, parce qu’il n’a plus de voix et il est trop faible pour crier secours. Voilà le décor presqu’un an après le 12 janvier 2010.

Est-ce une extermination programmée du peuple d’Haïti ?

Donc, le décor actuel tel que décrit plus haut n’est pas susceptible de s’améliorer. Toutefois, l’indécence reste toujours inacceptable dans un monde dit « civilisé ». D’abord l’obstination des dirigeants internationaux et de leurs valets locaux à organiser des élections dans un contexte pareil peut être interprétée comme un cynisme rare de la part des hommes se réclamant du Christ. Il était prévisible par tout esprit sain que ces élections allaient être un fiasco total, n’empêche que les dirigeants poursuivaient son organisation. De ce fait, il y a lieu de considérer les responsables, d’abord, les valets locaux.

Ils ont à leur tête le président René Préval, qui, d’après les documents rendus publics par « Wikileaks », visitait très souvent un bar à Petion-ville pour consommer avidement de l’alcool, à en croire les révélations de Mme Janet Sanderson, ancienne ambassadrice des Etats-Unis en Haïti. Les vieilles habitudes ont la vie dure. En d’autres termes, la capacité de Preval à prendre des décisions responsables allant dans le sens des intérêts du pays est assurément sévèrement affectée par l’usage abusif de la dive bouteille.

D’après les informations qui nous sont parvenues, sur les 29 millions de dollars alloués aux élections, la contribution du gouvernement haïtien est de 7 millions. Le 6 juin de cette année, le président Vénézuélien, Hugo Chavez, annulait la dette de 395 millions de dollars liée au fond Petrocaribe, ce pour faciliter la reconstruction d’Haïti après le séisme du 12 janvier. De cette somme, 197.5 millions ont été dépensés sans que les instances étatiques sous le gouvernement de l’ancien Premier ministre Michelle Pierre-Louis aient jamais produit les pièces justificatives exigées par la loi. D’après certains observateurs haïtiens, l’argent de Petrocaribe a été raflé dans l’objectif de pouvoir financer la candidature du poulain de René Preval aux élections présidentielles, Jude Célestin.

Par contre, nous savons que ce qui reste du fond « petrocaribe », soit 175 millions de dollars, s’est volatilisé au moment où l’on agitait des problèmes de fonds pour l’organisation de ces élections. Cela rappelle étrangement les 197.5 millions de dollars dépensés sans pièces justificatives sous l’administration de l’ancien Premier ministre Mme Michelle Pierre-Louis. Donc, si ces informations sont confirmées, le candidat du président Préval a de quoi s’acheter beaucoup de votes, si ce n’est leur totalité, ce dans la perspective d’un second tour. Les valets locaux sont plus cyniques parce qu’il y a une compétition permanente entre eux ; pour conserver une position il faut se surpasser sinon, le risque de se voir rétrograder à une place inférieure guette l’intéressé au prochain virage.

J’avais déjà écrit que René Preval « est prêt à tout ». Il est frappé par le mal endémique qui a toujours atteint tous les chefs d’État haïtien en fin de règne : s’assurer que leur successeur soit toujours dans la ligne du « vive le roi après le roi » afin de protéger leurs arrières en cas d’éventuels démêlés avec les lois du pays. René Préval a lancé dans la course, le père de son petit-fils afin de poursuivre l’œuvre obscure du prévalisme.

Cependant, la scène politique haïtienne souffre d’un trop grand équilibre des forces en présence, ce que je qualifie de « Nivellisme ». Mis à part le parti d’Aristide, « fanmi lavalas », toutes les forces politiques sur l’échiquier sont à égalité de force. Donc, l’exclusion de ce parti-là a produit un effet de boomerang, bannissement dont le pouvoir et l’opposition s’étaient réjoui. L’absence d’une force politique motrice capable de trancher lorsqu’il y a exequatur ou impasse s’est fait terriblement sentir après les élections du 28 novembre dernier.

En fait, c’est le résultat de la politique tutrice mise en place par l’Occident après le départ de Jean-Claude Duvalier en 1986. Elle consistait à décourager la participation populaire dans des activités civiques et politiques afin de stopper l’influence du mouvement de gauche haïtien. Ainsi, Le Devoir, quotidien canadien, eut à déclarer à l’époque que « le marxisme est enseigné avec un art consommé en Haïti », illustrant ainsi la peur qui assaillait le Département d’État. L’église catholique, par l’intermédiaire de la conférence épiscopale et d’autres instances internationales influentes, avaient combattu l’engagement citoyen dans des organisations politiques. En lieu et place d’instruments politiques viables, on a vu de préférence l’émergence de personnalités politiques dans les médias que les ambassades s’empressèrent d’utiliser au moment où le système faisait face à de fortes résistances populaires. Donc, au cours des élections en Haïti, on ne vote pas pour des partis ou des organisations politiques mais pour des individus. Il est plus facile de trouver des accords avec un homme qu’avec un groupe d’hommes, surtout lorsqu’il s’agit de coups bas contre l’intérêt national. D’autre part, l’unité de la nation haïtienne fait peur aux « maitres d’Haïti », ils ne veulent pas être témoins de la réédition d’un 1er janvier 1804en ces temps modernes.

La crise postélectorale qui menace de plonger non seulement le pays mais toute la région dans une spirale de crise humanitaire sans précédent, retient l’attention de tous les acteurs. Ainsi, la Maison Blanche a organisé une importante réunion le weekend écoulé à laquelle prenait place le président américain lui-même, sa Secrétaire d’État, Mme Hillary Clinton et l’ancien président Bill Clinton, afin de décider de la nouvelle crise née des élections du 28 novembre 2010. Ce n’était pas la première réunion, ce ne sera sans doute pas la dernière, mais les résultats resteront les mêmes parce que c’est l’implication de l’Internationale dans les affaires haïtiennes qui est le problème.

A ce propos, il faut citer le diplomate brésilien Ricardo Seintefus, l’un des rares qui a cassé la corde traditionnelle diplomatique en critiquant ouvertement l’implication de l’Internationale en Haïti. Il a déclaré, et je cite, que : « s’il existe une preuve de l’échec de l’aide internationale, c’est bien Haïti ». Il poursuivait pour ajouter que « les coopérants sont pressés et Haïti est trop complexe pour des gens pressés ». Ce à quoi il faut ajouter que les coopérants agissent avec des recettes en poche, tandis qu’en sciences humaines les recettes conduisent toujours au désastre. L’échec de l’Internationale dans le continent africain, tels que : Soudan, Ethiopie, Centre-Afrique… et dans d’autres régions du monde est la conséquence de l’option facile, sans tenir compte des particularités régionale et nationale des peuples. On peut imaginer la suite, Mr Seitenfus va être convoqué par son chef hiérarchique afin de s’expliquer, il sera probablement démis de ses fonctions. C’est comme dans la Rome antique : « la femme de César doit être au-dessus de tout soupçon ».

Les valets locaux, quoique très présents, font face à une grave crise d’identité en tant que groupes sociaux. La bourgeoisie haïtienne, forte de ses descendants arabes et européens, a étalé au grand jour son égarement idéologique en tant que classe. Les riches, logiquement, devraient accompagner le candidat industriel Charles Henry Baker, dans sa marche vers la présidence. Cependant, dignes du mercenariat, ils se sont morcelés plutôt sous forme de mosaïque sans objectif de classe. L’important pour eux, c’est de se positionner stratégiquement afin de recueillir des dividendes du prochain pouvoir établi. Ils s’éparpillent chez tous les candidats ; certains ne jurent que par Jude Célestin, telles que les familles Baussan, Vorbe, Meys et Brandt ; d’autres s’alignent honteusement derrière Martelly, allias Tisimone, dont Tippenhauer, Colt, Bigio… pendant qu’une bonne partie finance la campagne de Lesly Voltaire, Jacques Edouard Alexis, Jean Henri Céant, Manigat…Donc, ils jouent à « qui perd, gagne ».

Ces dernières semaines, l’énervement constaté chez les bourgeois en Haïti incite à des réflexions pertinentes. Les émeutes de l’après-publication des résultats du premier tour n’étaient pas prévues avec cette ampleur, vu que lavalas n’était pas de la course, parti qui a une réputation de casseurs. Finalement, les gens se sont rendus compte que l’instabilité sociopolitique n’a rien à voir avec Aristide, mais bien avec le comportement d’un peuple qui en a marre de la crapulerie dont font preuve les classes dominantes et leurs alliés pour le tenir dans la crasse. Une bonne partie s’en est prise à Michel Martelly qui, d’après eux, a mis des milliers de partisans dans la rue à partir des textes de messages envoyés par-ci par-là par l’intermédiaire de l’une des compagnies cellulaires de la place dont il serait actionnaire. Brusquement, « Tisimone » est qualifié de « populiste de droite », pour répéter Nancy Roc, comme si vraiment celui-ci tenait compte du clivage idéologique gauche-droite.

Traditionnellement dépourvue de vision, la bourgeoisie s’accroche toujours au gagnant et a peur de tout pouvoir qui agite la question d’institutionnalisation de l’Etat. Elle n’a pas un plan d’épanouissement de classe, voir un projet national visant le développement du pays. La communauté internationale et les politiciens traditionnels s’en servent pour torpiller dans l’œuf tout processus d’institutionnalisations dues, et paradoxalement l’USAID et l’Union Européenne dépensent des millions de dollars annuellement à travers des programmes dits de développement institutionnel. En fait, des artifices pour vider de l’argent à des responsables politiques alliés flanqués d’une organisation gouvernementale (ONG), par laquelle doit passer tout financement nécessaire à l’existence de ces groupes marginaux, qualifiés de partis politiques.

René Preval, qu’on le veille ou non, n’est pas bête. En déplaçant le contrôle des élections du CEP à l’Organisation des États Américains, l’OEA, il a fait un calcul diabolique mais « intelligent ». Les candidats à la présidence, Martelly et Manigat, sont dans leurs petits souliers. Tous, deux admirateurs de l’Internationale, sont coincés et susceptibles de se voir décrier de leurs bases politiques s’ils osent cesser de jouer en bon enfant. Myrlande Manigat a le nez fin, elle renifle le parachutage de Jude Célestin, elle crie que « c’est une crise haïtienne, ce sont les Haïtiens qui devraient en trouver la solution », et est contre toute solution « élaborée par l’étranger ». Trop tard, la crise a été créée et entretenue par l’étranger depuis 2004, donc l’étranger imposera sa solution.

C’est dommage de voir un si bel esprit dominé par un soi-disant « pragmatisme », s’avilir pour le pouvoir qu’il pouvait gagner en écoutant seulement la voix du peuple. Cela confirme ce que Nancy Roc avait révélé il y a deux semaines à « Metropolis » et ce que Lesly Manigat a confié à un ami : « s’il faut vendre sa mère pour prendre le pouvoir il faut le faire, on la rachètera après l’avoir conquis », fin de citation. Ce que le professeur a omis de comprendre, c’est qu’on peut liquider sa mère pendant seulement 4 mois de pouvoir, sans avoir le temps de la racheter parce que l’échéance est trop courte. Ou bien la mère peut être violée, torturée et même tuée…est ce que cela vaut le coup ?

L’Internationale, arrogante, a beaucoup d’explications à donner au peuple haïtien. D’abord, le phénomène du choléra qui s’étend au pays dans toute sa largeur et longueur. Les coins les plus reculés sont affectés de plein fouet par cette maladie venue d’ailleurs, disons du Népal. Des chercheurs de grand renom, notamment français et américains, ont retracé son origine à des troupes d’occupation. L’ONU, empêtrée, tourne en rond, veut se démarquer de sa responsabilité assassine contre un peuple qui était déjà à genoux depuis deux siècles d’exactions économiques, politiques et racistes, puis écrasé par le désastres naturel meurtrier du 12 Janvier 2010 et autres. Il semble qu’au lieu d’aider le peuple martyr d’Haïti à se relever, l’Internationale le condamne à mourir d’une diarrhée sévère jamais connue auparavant.

Déjà des soupçons pesaient sur le tremblement de terre du 12 janvier. Hugo Chavez, président de la république bolivarienne du Venezuela, avait retenu l’attention de l’opinion publique mondiale sur la possibilité que le séisme pût être provoqué par des manœuvres militaires dans la zone. Ajouter à cela les études non-concluantes sur laquelle des failles avaient provoqué le désastre, alimentant ainsi les rumeurs les plus fantaisistes. Tantôt c’est celle de Leogane, tantôt celle de la République dominicaine, ou une autre faille jusque-là inconnue, ce qui ne facilite pas un rejet total de la thèse de complot contre Haïti. Il est fondamental à ce que les Nations-Unies produisent des explications claires sur la provenance du choléra, comment est il arrivé dans le pays, et pourquoi ?

Les circonstances particulières dans lesquelles les dernières élections se sont organisées dans le pays méritent d’être prises en compte dans toute analyse sérieuse. Coup sur coup, le pays est victime d’un rare tremblement de terre de 7.2 de magnitude, de sévères tempêtes tropicales, et le cholera importé des troupes d’occupation a déjà fait près de 3.000 morts et quelque 125.000 personnes infectées nationalement. Les dernières estimations parlent de 400.000 victimes pendant une courte période de 12 mois. Jusqu’à présent, plus d’un million d’âmes dorment sous des tentes où à la belle étoile dans la capitale, et des milliers d’autres déplacés dans les villes de province attendent dans l’impatiemment l’aide internationale et locale pour normaliser leur situation.

Malheureusement l’aide tarde à se matérialiser !

Joël Léon