Sunday, December 11, 2011

L'Occident en declin: La fuite en avant d'une 3e guerre mondiale


L'Occident en déclin : La fuite en avant d'une 3e guerre mondiale

Le 11 decembre 2011

La fuite en avant d'une 3e guerre mondiale
«Je crois que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées permanentes. Si le peuple américain permet aux banques privées de contrôler l'émission de leur monnaie, d'abord par l'inflation, puis par la déflation, les banques et les sociétés priveront le peuple de toute propriété jusqu'à ce que leurs enfants se réveillent sans-abri sur le continent que leurs pères avaient conquis.»  
Thomas Jefferson, président des Etats-Unis d'Amérique

Après l'implosion de l'empire soviétique, ce fut comme on le sait, «la fin de l'histoire» selon le mot de Fukuyama avec une « pax americana » qui paraissait durer mille ans. Le peuple américain se voulant lui aussi, «peuple élu» comme le martèle «la destinée manifeste», c'est à lui d'éclairer le monde au besoin par le napalm. (...)Dans une conjoncture caractérisée par la rareté des matières premières, 90% des terres rares sont en Chine qui ne les vend qu'avec parcimonie. La débâcle financière des Etats-Unis et de l'Europe a amené les Etats-Unis et l'Europe à ne plus s'embarrasser de «principes», ils prennent par la force aux pays faibles leurs ressources comme c'est le cas de Kadhafi crucifié par l'Occident qui ne s'arrête pas de déstabiliser sous des dehors de démocratie qui ne trompent plus personne.

Pourquoi le maillage mondial de la planète?
On sait que la marine américaine sillonne les mers et accoste de temps à autre pour montrer sa puissance comme au bon vieux temps de la guerre froide et tissant un réseau de plus en plus dense de bases américaines en dehors du territoire des Etats-Unis. En effet, la plupart des sources de renseignements sur cette question (notamment C. Johnson, le Comité de surveillance de l'Otan, l'International Network for the Abolition of Foreign Military Bases, etc.) révèlent que les Étatsuniens possèdent ou occupent entre 700 et 800 bases militaires dans le monde. Un document de 2002 permet de constater la présence de militaires étatsuniens dans 156 pays, de leur présence sur des bases étatsuniennes dans 63 pays, des bases récemment construites (depuis le 11 septembre 2001) dans sept pays et un total de 255.065 effectifs militaires. Selon Gelman, en se basant sur les données officielles du Pentagone de 2005, les USA possèderaient 737 bases à l'étranger. (1)
Pour le professeur Jules Dufour, l'emprise de la puissance militaire des États-Unis dans le monde est considérable et ne cesse d'augmenter. Les Étatsuniens considèrent la surface terrestre comme un terrain à conquérir, à occuper et à exploiter. La division du monde en unités de combat et de commandement illustre fort bien cette réalité. Dans ce contexte, il nous semble que l'humanité se trouve ainsi contrôlée, voire attachée à des chaînes dont les maillons constituent les bases militaires. Le processus de redéploiement des installations militaires est conduit sous la gouverne de la force, de la violence armée, de l'intervention à travers des accords de «coopération» dont les velléités de conquête sont sans cesse réaffirmées dans le design des pratiques du commerce et des échanges. Le développement économique est assuré par la militarisation ou le contrôle des gouvernements et des sociétés et des ressources immenses sont sacrifiées pour permettre ce contrôle dans la plupart des régions dotées de richesses stratégiques pour consolider les bases de l'Empire. (1)
On l'aura compris, cette mainmise sur les matières premières de plus en plus rares va susciter des tensions de plus en plus vives. Cependant, la situation n'est plus la même que celle qui prévalait après la chute de l'empire soviétique il y a vingt ans. Souvenons-nous à l' époque, George Bush père avait annoncé un nouvel ordre. L'empire n'avait personne en face. Hubert Védrine, ministre français des Affaires étrangères, a pu parler d'hyperpuissance.
C'est dans ce cadre que l'on apprend que les Chinois ne sont pas contents du sort du Pakistan bombardé et qui a perdu 26 soldats. De plus, il voit d'un très mauvais oeil la tentative d'encerclement par le déploiement jusqu'à 2 500 marines en Australie. Selon une dépêche de l'AFP, le président chinois Hu Jintao a appelé mardi 6 décembre à la marine de se préparer pour le combat militaire, au milieu de la montée des tensions régionales sur les différends maritimes et d'une campagne américaine de s'affirmer comme une puissance du Pacifique. S'adressant à la puissante Commission militaire centrale, Hu a déclaré: « Notre travail doit étroitement encercler le thème principal de la défense nationale et la construction militaire.» L'agence de nouvelles officielle Xinhua a cité le président que de dire la marine chinoise devrait «faire des préparatifs pour la guerre prolongée». (2)
« Le Premier ministre chinois Wen Jiabao a averti le mois dernier contre l'ingérence des «forces extérieures» dans les différends territoriaux régionaux, y compris ceux de la mer de Chine méridionale. Alors qu'Hillary Clinton est arrivée le 30 novembre au Myanmar pour une visite de deux jours, la Chine a d'ores et déjà pris les devants. Le vice-président chinois Xi Jinping a reçu lundi à Pékin le chef des forces armées birmanes, Min Aug Hlaing, et lui a rappelé combien la Chine souhaite oeuvrer à un «partenariat stratégique» avec le Myanmar, rapporte le South China Morning Post. Le quotidien de Hong Kong précise que «l'intention du Myanmar est de montrer qu'il ne laissera pas ses relations avec la Chine se détériorer... et qu'il cherche toujours à équilibrer ses intérêts entre l'Orient et le camp occidental». L'armée chinoise a effectué de grandes manoeuvres militaires près du Pakistan en réponse à l'installation des troupes américaines dans la région. En réponse à la montée de l'hostilité occidentale envers l'Iran, le major général Zhang Zhaozhong a remarqué que «la Chine n'hésiterait pas à protéger l'Iran même si cela doit déclencher une troisième guerre mondiale», des commentaires qui ont suscité beaucoup de débats en Chine même. (...) L'ambassadeur de la Chine à l'ONU a prévenu le directeur de l'Aiea, Yukiya Amano, de ne pas fabriquer de preuve ´´sans fondement´´ afin de justifier une attaque sur l'Iran au nom d'arrêter son programme nucléaire controversé.»(2)
Du côté russe, la même inquiétude amène là aussi à une mobilisation notamment avec le déploiement du bouclier en Europe. Le général russe Nikolaï Makarov a déclaré la semaine dernière: « Je n'exclus pas des conflits armés locaux et régionaux en développement vers une guerre à grande échelle, y compris en utilisant des armes nucléaires.» Les tensions mondiales entre l'Orient et l'Occident ont explosé ces quinze derniers jours quand l'ambassadeur de Russie, Vladimir Titorenko et 2 de ses adjoints en provenance de Syrie, ont été brutalement agressés par les forces de sécurité du Qatar soutenu par la CIA et des agents du MI6 britannique. Ces derniers ont tenté d'accéder à une valise diplomatique contenant des informations des services de renseignement syriens à propos de l'invasion de la Syrie et l'Iran par les États-Unis. (...) Un journaliste américain, Greg Hunter, explique pourquoi «le monde est-il devenu hors de contrôle?». Il révèle que la totalité de l'économie occidentale s'effrite sous le poids de plus de 100.000 milliards de $ de dette qu'ils ne sont pas en mesure de rembourser: «Jamais dans l'histoire, le monde n'a été aussi proche d'un chaos financier total et la guerre nucléaire dans le même temps.» (3)
Enfin, un bulletin du ministère de la Défense publié par le Premier ministre Poutine déclare aujourd'hui que le président Medvedev ainsi que le président Hu ont «validé un accord de principe» sur le fait que la seule façon d'arrêter l'agression de l'Occident dirigée par les États-Unis se fera par «action militaire directe et immédiate» et que le dirigeant chinois a ordonné à ses forces navales de se «préparer à la guerre». (4)
Claude Jacqueline Herdhuin résume bien cette tentation permanente de l'empire en écrivant que la vraie guerre est d'ordre financier:
« Les États-Unis veulent rester le chien de garde du monde, peu importe si ce chien, aujourd'hui galeux et aveugle, n'est plus à la hauteur. Parfois, la sagesse et l'intelligence veulent qu'on se replie, mais l'Administration étatsunienne, sous la houlette des industries de la finance et militaire, continue de prétendre dominer la planète. Il suffit cependant d'un peu de perspicacité et de bon sens pour constater que cette puissance moribonde ne fait plus trembler le monde.» (5)

La coalition  de la Chine et de la Russie
« Après avoir décapité et mis à genoux la Libye, dans le but de fragiliser la région et d'isoler l'Iran, force est de constater que l'Occident est en très mauvaise position. (...) Les pays membres de l'Otan sont pris à la gorge. Leur économie subit les conséquences d'une crise savamment orchestrée par le monde de la finance.... L'économie américaine va mal, l'Europe «tient encore le coup» sous la houlette d'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, mais le chien de garde moribond ne s'avoue pas vaincu et menace de mordre: (...) L'intervention armée est certes utilisée, mais la véritable guerre se joue dans le monde de la finance. La menace de Standard & Poor's en est la preuve flagrante. Et les populations sont les otages et les principales victimes de cette guerre.(...) Après la Libye, l'Otan a un oeil sur la Syrie. Cela lui permettra d'isoler davantage l'Iran. Mais la République islamique d'Iran est une cible beaucoup plus difficile. En s'attaquant à cette dernière, l'Occident se mettra à dos les pays de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS), créée en 2001 par les présidents de cinq pays eurasiatiques: la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan, auxquels s'est joint l'Iran en 2005. L'OCS représente clairement une volonté de ces pays de s'unir face à l'Occident. Cela peut être interprété comme un nouveau bloc de l'Est. Et cela représente un avantage indéniable: le retour à un équilibre après la chute du bloc de l'Est qui a permis une «dictature» mondiale des États-Unis. (...) Une fois de plus, les pays dominants appliquent deux poids, deux mesures: Israël (soutenu par Washington) a le droit de menacer l'Iran avec son arme nucléaire, mais Téhéran n'a pas le droit à cette arme sous prétexte que cela serait une menace pour la sécurité d'Israël et du monde dit civilisé».(5)
Pour Bani Sadr, ancien président iranien, l'Occident clame que le programme atomique iranien pose problème car il aurait une dimension militaire. Mais vous savez que WikiLeaks a publié des rapports secrets. Certains de ces rapports concernent ce Monsieur Yukika Amano, le Japonais qui dirige l'AEIA: selon ces rapports, ce sont les Américains qui l'ont soutenu pour devenir directeur de l'Aiea et il s'est engagé à agir dans le sens de la stratégie des Etats-Unis. (...) Ce dont les responsables occidentaux ne veulent pas parler c'est que la question essentielle pour eux est de contrôler l'ensemble de la région. M. Bush avait ce projet d'amener la démocratie au Grand Moyen-Orient. Ce Grand Moyen-Orient vise en réalité à établir un contrôle par les Etats-Unis de l'Afrique du Nord jusqu'au Pakistan. (...) Ils sont intervenus en Libye, ils ont détruit un pays pour établir une démocratie, mais personne ne voit cette démocratie. Ce qu'on voit est une insécurité et une pauvreté plus grandes. Ils cherchent, en réalité, à détruire pour reconstruire, payant très cher ensuite les compagnies occidentales qui vont là-bas pour reconstruire.(...) Je ne crois pas que les Etats-Unis aient les moyens d'imposer leur hégémonie à la Chine, ou même aux pays plus petits de la région du Pacifique, ou encore, à l'Inde. Parce qu'à mon avis, les Etats-Unis ne sont plus une superpuissance, ils sont en train de devenir un pays comme un autre. » (6)
« Avec le Japon et les autres pays asiatiques, ils sont plus importants aujourd'hui que l'ensemble de l'Occident. (...) Ce qu'ils cherchent, par contre, c'est contrôler le pétrole et le gaz. Ils pensent qu'en contrôlant les deux centres que sont l'Asie centrale et le Golfe persique, ils pourront dialoguer d'égal à égal, voire établir une supériorité marginale sur l'Asie. Ce qu'ils veulent, c'est contrôler le pétrole et le gaz. Leur justification: après le départ des Etats-Unis d'Irak, l'Iran deviendrait la puissance hégémonique dans la région, en raison de la fameuse ceinture verte du chiisme [ndR] Changer le régime en Syrie, rétablir un régime sunnite signifie un Iran coupé du Liban».(6) Concluant son interview, Bani Sadr reprend les mêmes arguments que l'ambassadeur Kishore Mahboubani: «Il y a plusieurs grandes raisons à la crise de l'Occident paniqué face à la perspective d'une perte de son hégémonie au profit des nouveaux centres de puissance asiatiques ou euro-asiatiques, tels que la Chine, l'Inde, d'abord la baisse du niveau de vie des populations. (...) Autre problème essentiel: l'Occident a abandonné le contrôle de son économie aux marchés financiers. Selon des sources, aux Etats-Unis, l'argent est beaucoup plus investi sur les marchés financiers que dans l'économie réelle sur un rapport de 1 à 7».(6)
Kishore Mahbubani, il décrit le déclin occidental aussi par la perte de ses propres valeurs. Pour lui, «le moment est venu de restructurer l'ordre mondial, l'Occident est dans l'incapacité à maintenir, à respecter et encore plus à renforcer les institutions qu'il a créées. Et l'amoralité avec laquelle il se comporte trop souvent sape davantage les structures et l'esprit de la gouvernance mondiale. C'est cette incapacité à exercer convenablement un leadership qui fait que l'Occident est aujourd'hui davantage le problème que la solution.
« Les civilisations, disait Arnold Toynbee, ne sont pas assassinées, elles se suicident.» L'empire américain subit-il le même déclin que son prédécesseur britannique?. (...) Les Etats-Unis comprendront-ils cette leçon? Ou chercheront-ils à maintenir une domination globale par la seule puissance politique et militaire, engendrant ainsi toujours plus de désordre, de conflits et de barbarie?» A terme, on s'apercevra que les slogans creux des droits qui sont ceux exclusifs de l'homme blanc en Occident - encore qu'il faille noter que même dans ces sociétés la fracture est totale entre les nantis et les pauvres - vont s'effriter au fur et à mesure de la disparition de la puissance matérielle. «A Beastly Century», «un siècle bestial» est le terme, utilisé par Margaret Drabble, pour décrire le XXe siècle». (7)
Si la guerre éclate, le premier mouvement de l'Iran serait de fermer le détroit d'Ormuz. 40% de pétrole du monde y transite. Entre la guerre et les sanctions, les prix du pétrole monteront en flèche peut-être à 300 $ et pousseront dans l'abîme une économie occidentale au bord du gouffre. La guerre nucléaire ne sera plus une vue de l'esprit. Elle devient une option sérieuse. On prête à Einstein cette boutade: « Je ne sais pas ce qui se passera après la troisième guerre mondiale, mais je suis sûr que la quatrième guerre se fera avec des pierres, des arcs et des flèches.» Nous sommes avertis.

Notes
2. Joseph Watson et Yi Han: L'armée chinoise, programme de grosses manoeuvres militaires près du Pakistan. Mondialisation.ca, le 2 décembre 2011
5. Claude Jacqueline Herdhuin: Les Etats-Unis: le chien de garde du monde
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=28101 8 12 2011


Thursday, December 8, 2011

Si Frantz Fanon revenait parmi nous... Il s'indignerait!


Si Frantz Fanon revenait parmi nous... Il s'indignerait!

Par Chems Eddine Chitour





«Une relecture dépassionnée et vigilante du message de Fanon pourrait contribuer à ouvrir aux forces vives algériennes leur propre voie démocratique et pacifique, pour une relance dynamique du processus de libération amorcé par l'appel du 1er Novembre 1954.» 
Sadek Hadjeres

Il y a cinquante ans, mourait Frantz Fanon, emporté par une leucémie à l'âge de 36 ans. Peu d'Algériens connaissent Frantz Fanon qui s'est battu à en mourir pour l'indépendance de l'Algérie. Frantz Fanon est né à Fort-de-France, en Martinique, le 20 juillet 1925, il est mort le 6 décembre 1961. C'est un psychiatre et essayiste français. Il est l'un des fondateurs du courant de pensée tiers-mondiste. Il a cherché à analyser les conséquences psychologiques de la colonisation sur le colonisé. Dans ses livres les plus connus, il analyse le processus de décolonisation sous l'angle sociologique, philosophique et psychiatrique.
Il met surtout le doigt sur la condition de l'indigène «sujet», spectateur de son destin façonné par le colon, il écrit: «La première chose que l'indigène apprend, c'est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites. C'est pourquoi les rêves de l'indigène sont des rêves musculaires, des rêves d'action, des rêves agressifs. (...) Pendant la colonisation, le colonisé n'arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et six heures du matin.»
Anne Mathieu du Monde diplomatique décrit le sacerdoce de Fanon et explique le fil conducteur de la pensée fanonienne: «La thématique des «deux camps» évoquée par Fanon ne se limite pas à l'opposition entre ces deux couleurs de peau, mais s'inscrit dans le couple plus vaste des «oppresseurs» et des «opprimés». (...) Son dernier ouvrage, Les Damnés de la terre (1961), démontre que la «compartimentation» de la société raciste et/ou coloniale génère obligatoirement la production d'un langage raciste: «Parfois ce manichéisme va jusqu'au bout de sa logique et déshumanise le colonisé.» Autrement dit, comme le dénonçait Sartre lors de la Guerre d'Algérie, le système colonial en fait un «sous-homme». Fanon poursuit: «A proprement parler, il l'animalise. (...) On fait allusion aux mouvements de reptation du Jaune, aux émanations de la ville indigène, aux hordes, à la puanteur, au pullulement, au grouillement, aux gesticulations. (...) ce rythme végétal, tout cela fait partie du vocabulaire colonial.»(1)
En réalité, Fanon n'a fait que décrire un état de fait, c'est bien le système colonial qui a créé les «zoos humains» pour divertir les Parisiens en mal d'exotisme et de voyeurisme. Force est de constater que celui-ci n'a pas totalement disparu de nos latitudes, comme la chanson Le Bruit et l'Odeur (1995) du groupe Zebda l'a rappelé à propos de propos de Jacques Chirac sur le bruit et l'odeur des immigrés africains...
« «La «déshumanisation» de l'indigène poursuit Anne Mathieu, justifie le traitement qui lui est infligé: «Discipliner, dresser, mater et aujourd'hui pacifier sont les vocables les plus utilisés par les colonialistes dans les territoires occupés.» La Guerre d'Algérie n'est que la continuation paroxystique d'un système reposant sur la force et le mépris. Ainsi, l'introduction de L'An V de la révolution algérienne (1959) peut-elle souligner que, depuis le début de la guerre, « le colonialisme français] n'a reculé (...) devant aucun radicalisme, ni celui de la terreur, ni celui de la torture». Mauvais calcul: «Les répressions, loin de briser l'élan, scandent les progrès de la conscience nationale», analysent Les Damnés de la terre.»(1)
Dans une préface lumineuse, Jean-Paul Sartre décortique Les Damnés de la Terre et complète l'analyse de Fanon quant à la condition faite à l'indigène: «Il n'y a pas si longtemps, la Terre comptait deux milliards d'habitants, soit cinq cent millions d'hommes et un milliard cinq cents millions d'indigènes. Les premiers disposaient du Verbe, les autres l'empruntaient. Entre ceux-là et ceux-ci, des roitelets vendus, des féodaux, une fausse bourgeoisie forgée de toutes pièces servaient d'intermédiaires.(...) L'élite européenne entreprit de fabriquer un indigénat d'élite; on sélectionnait des adolescents, on leur marquait sur le front, au fer rouge, les principes de la culture occidentale, on leur fourrait dans la bouche des bâillons sonores, grands mots pâteux qui collaient aux dents; après un bref séjour en métropole, on les renvoyait chez eux, truqués. Ces mensonges vivants n'avaient plus rien à dire à leurs frères; ils résonnaient. C'était l'âge d'or.»(2)
«(...) Ce livre n'avait nul besoin d'une préface poursuit Sartre. (..) Nous aussi, gens de l'Europe, on nous décolonise: cela veut dire qu'on extirpe par une opération sanglante le colon qui est en chacun de nous. Regardons-nous, si nous en avons le courage, et voyons ce qu'il advient de nous. (...) ce n'était qu'une idéologie menteuse, l'exquise justification du pillage; ses tendresses et sa préciosité cautionnaient nos agressions. Ils ont bonne mine, les non-violents: ni victimes ni bourreaux! (...) Quand l'Armée où vos jeunes frères ont servi, sans hésitation ni remords, ont entrepris un «génocide», vous êtes indubitablement des bourreaux. (...) Vous savez bien que nous sommes des exploiteurs. Vous savez bien que nous avons pris l'or et les métaux puis le pétrole des «continents neufs» et que nous les avons ramenés dans les vieilles métropoles. Non sans d'excellents résultats: des palais, des cathédrales, des capitales industrielles; et puis quand la crise menaçait, les marchés coloniaux étaient là pour l'amortir ou la détourner. L'Europe, gavée de richesses, accorde de jure l'humanité à tous ses habitants: un homme, chez nous, ça veut dire un complice puisque nous avons tous profité de l'exploitation coloniale. (...) Nos chères valeurs perdent leurs ailes; à les regarder de près, on n'en trouvera pas une qui ne soit tachée de sang. S'il nous faut un exemple, rappelez-vous ces grands mots: que c'est généreux, la France! Généreux, nous? Et Sétif? Et ces huit années de guerre féroce qui ont coûté la vie à plus d'un million d'Algériens? Et la gégène?. (...) Nous avons été les semeurs de vent; la tempête, c'est lui. Fils de la violence, il puise en elle à chaque instant son humanité.»(2)
A côté de ces textes atemporels, que lisons-nous maintenant? Des prophètes qui disent aux Européens, ne regrettez rien, persistez et signez: vous étiez dans votre bon droit comme au temps de Cecil Rhodes, de Jules Ferry et son «devoir des races supérieures» comme le propose Pascal Bruckner dans un essai écrit en 1983 «Le Sanglot de l'homme blanc». Rejetez la culpabilité, et la «haine de soi». Dénoncez comme Bruckner «le sentimentalisme tiers-mondiste- remise en question du tiers-mondisme au tournant des années 1970 -1980 - d'une frange de la gauche occidentale qui se complait dans une auto-culpabilisation à bon compte. Fanon et Sartre avaient tort! Le clou du nihilisme a été enfoncé avec «la tyrannie de la repentance», ouvrage qui a consolidé le discours du président Sarkozy, notamment quant à Dakar où il a accusé l'Africain de ne pas encore être sorti de l'histoire. Frantz Fanon a dû certainement se retourner dans sa tombe et qui aurait pu lui répondre ceci: «Le peuple colonisé est idéologiquement présenté comme un peuple arrêté dans son évolution, imperméable à la raison, incapable de diriger ses propres affaires, exigeant la présence permanente d'une direction.(...) on a bien l'impression que pour ces peuples, l'humanité a commencé avec l'arrivée de ces valeureux colons.»

Si Frantz Fanon revenait parmi nous
Pourtant, cinquante ans après sa mort, le message de Fanon n'a pas pris une ride. Le colonialisme du Web 2.0 est toujours en action, sous un autre habit, le postcolonialisme a donné lieu à un avatar tout aussi prédateur, le néocolonialisme au nom d'une mondialisation laminoir et sans état d'âme. Dans une contribution du Monde nous lisons:
« Dans le panthéon révolutionnaire qui s'élabore dès le milieu des années 1950, Fanon se situe clairement aux côtés de Ho Chi Minh, de Che Guevara et des autres grandes figures du monde nouveau. Les Damnés de la terre ont été, et sont encore, la Bible des mouvements tiers-mondistes. Mais Frantz Fanon gêne, aujourd'hui comme hier. En décembre 1961, quand la nouvelle de son décès parvint à Paris, la police commença à saisir les exemplaires des Damnés de la terre, qui «menaçaient la sécurité de l'Etat» »(4).  
« A la Martinique, la terre où il vit le jour, Fanon dérange également. Certes, une avenue porte son nom à Fort-de-France, mais dans cette colonie, qui a choisi la voie de l'»assimilation», et qui est devenue département français, Fanon suscite le malaise. Lui, il est allé jusqu'au bout du combat de libération nationale, et il a défendu, sur le sol même de l'Algérie, la cause de l'indépendance. A la Martinique, on a plus ou moins renoncé à cette idée, non sans remords parfois. Du coup, face à Fanon, on est embarrassé. On préfère l'oublier. Et en Algérie? En toute logique, il devrait être là-bas un héros national, lui qui fut un cadre du FLN. Mais le nationalisme algérien se définit comme arabo-islamique, et il est très difficile d'y inclure en bonne place un homme noir, étranger, qui plus est agnostique. Bref, personne ne sait s'il faut voir en Fanon un «Martiniquais», un «Français», un «Algérien», un «Africain», un «Noir»; personne ne peut, ou ne veut, tout à fait se l'approprier. Serait-il donc lui-même un «damné»?»(4)
« Fanon, dit-on parfois en France, serait un auteur dépassé. Vraiment? Quelle lumière crue jette pourtant son oeuvre sur nos débats contemporains! Sur la question du voile, par exemple, il n'est que délire L'An V de la révolution algérienne (1959). A mi-chemin entre l'enquête ethnographique, le reportage de guerre et le traité politique, ce livre hallucinant donne à comprendre mieux que tout autre ce que fut l'Algérie de ces «années de braise». Entre autres choses, Fanon met en évidence la «rage» des colons à vouloir dévoiler les Algériennes, des colons mus à la fois par des pulsions érotiques et par des mobiles politiques. (...) Des campagnes d'occidentalisation de la femme algérienne sont organisées: «Des domestiques menacées de renvoi, de pauvres femmes arrachées de leur foyer, des prostituées sont conduites sur la place publique et symboliquement dévoilées aux cris de «Vive l'Algérie française!»» Comment ne pas voir, dans certaines positions extrêmes sur la laïcité, à l'extrême droite et au-delà, les rémanences d'une domination postcoloniale? Quand il évoque, enfin, l'expérience du Noir, être-pour-autrui, expérience assez semblable en somme à celle du juif, comme l'analyse Jean-Paul Sartre. Qui lui dit un jour: «Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l'oreille, on parle de vous.» Actualité de Frantz Fanon encore, lorsqu'il évoque les «damnés de la terre», et que nous voyons, ici et là, les «indignés» du monde, du Nord et du Sud, de Wall Street à la Puerta del Sol. (...) On lit Fanon, on prend son crayon, on commence à souligner les passages mémorables, on vibre, on bout, puis on arrête. C'est tout le livre qu'il faudrait souligner...(4)

Frantz Fanon et l'Algérie
Dès le début de la guerre de Libération nationale du 1er Novembre 1954 en Algérie, Frantz Fanon s'engage auprès de la résistance nationaliste et noue des contacts avec des officiers de l'Armée de libération nationale (ALN) ainsi qu'avec la direction politique du FLN. Expulsé d'Algérie en 1957, il rejoint le FLN à Tunis, où il collabore à son organe central de presse El Moudjahid. En 1959, il fait partie de la délégation algérienne au Congrès panafricain d'Accra, au Ghana. En mars 1960, il sera nommé ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République algérienne au Ghana. Se sachant atteint d'une leucémie, il se retire à Washington pour écrire les Damnés de la terre. Frantz Fanon est mort le 6 décembre 1961 quelques mois avant l'indépendance de l'Algérie. Conformément à son voeu d'être enterré en terre algérienne, sa dépouille sera inhumée au cimetière des chouhada près de la frontière algéro-tunisienne, dans la commune d'Aïn Kerma.(5)
 «Près d'un demi-siècle après la mort de Frantz Fanon, que reste-t-il, en Algérie, sa patrie d'intellectuel et de militant révolutionnaire, que reste-t-il de son message. Du message délivré dans l'urgence, à l'orée d'une mort certaine annoncée. Presque rien, ou pas grand-chose, puisque lors d'une récente conférence consacrée aux «intellectuels et au pouvoir en Algérie», son nom, aux dires de certains, ne fut même pas prononcé. Est-ce dû au grand refoulement dont il fut victime, comme le dit Alice Cherki dans le remarquable portrait qu'elle en dressa, tout juste estompé par un colloque organisé en 1987?».(6)
Une histoire poignante rapportée par Djillali Khellas raconte la déchéance de Josie Fanon de la main d'Algériens à qui on n'a pas appris le sens du sacré, l'honneur et le respect que l'on doit à ces géants qui sont morts pour l'Algérie. Ecoutons-le:
«(...) Soudain, au sortir de la place Emir-Abdelkader, (...) ma route est bloquée net par un attroupement. (..) Mais ô malheur, je découvre, l'instant d'après, qu'une femme gisait par terre. Elle était, d'après son teint, de type européen ou kabyle. (...) Tout de suite, j'ai remarqué avec horreur que son visage était plein de crachats gluants, verdâtres: «Le récit de ses yeux se mélangeant aux crachats répugnants! (...) J'ai commencé maladroitement à essuyer les crachats dégoûtants de son beau visage. (...) Ô malheur! La femme agressée (par qui? Et pourquoi?). A 10 ou 15 mètres, elle héla un taxi. Elle y monta péniblement. (...) Trois jours après, j'ai vu la photo de «la dame agressée» (par des inconnus?) sur les premières pages de la presse algérienne de l'époque! Il y était écrit en gras sous sa photo: «Josie Fanon s'est suicidée.» Ah! Mon Dieu! C'était donc elle «la dame agressée», il y a quelques jours, près de la place Emir-Abdelkader! Quelle horrible, quelle lugubre coïncidence! près de la statue de cet homme de dialogue, cet homme qui a défendu en 1860 au prix de sa vie et de celle des membres de sa famille, les chrétiens de Damas menacés de génocide»!(7)
Ceux qui ont connu Josie Fanon gardent d'elle l'image de la journaliste qu'elle fut et qui était le témoin de Fanon. Elle était la compagne qui l'a suivi quand il a été affecté comme médecin-chef à l'hôpital psychiatrique de Blida. La militante enfin qui s'est engagée, avec lui, sans hésitation aucune dans le combat pour la liberté, pour l'Algérie. Nous autres Algériens nous avons failli, nous n'avons pas honoré sa mémoire et le solde de tout compte d'une baptisation d'un hôpital ou d'un lycée laisse notre responsabilité entière d'autant que nous n'avons pas su entretenir sa mémoire en permettant à sa femme qui a apporté sa part au combat pour la libération du pays, de vivre en dignité dans ce pays où elle a décidé de finir ses jours. C'est dire si quelque part, nous avons failli envers ce géant qui voulait, comme il l'écrit, mourir pour l'Algérie. «Nous ne sommes rien sur cette terre si nous ne sommes d'abord les esclaves d'une cause, de la cause des peuples, la cause de la justice et de la liberté. Je veux que vous sachiez que même au moment où les médecins avaient désespéré, je pensais encore, oh! dans le brouillard, je pensais au peuple algérien, aux peuples du Tiers-Monde et si j'ai tenu, c'est à cause d'eux.»(8)
Tout est dit. Repose en paix, Frantz Fanon , que la Terre te soit légère et puissions-nous nous inspirer plus que jamais de ton combat qui est toujours actuel et nous ressourcer à ton idéal en te réhabilitant.



Notes/Références

1. Anne Mathieu Frantz Fanon, 
http://www.monde-diplomatique.fr/2009/03/Mathieu/16934  
2. Jean-Paul Sartre: Extraits de la préface du livre de Frantz Fanon,
3. L'An V de la révolution algérienne (1959), Frantz Fanon, éd. La Découverte, 2001, p.176
4. Frantz Fanon. La colère vive Critique | Le Monde des Livres 03.11.11
7. Djilali Khellas - www.elwatan.com  le 05.07.11






La delinquance, premiere phase de la degenerescence de L'imperialisme


La délinquance, première phase de la degenerescence de l’impérialisme.
   
Par Joël Léon

L’impérialisme est entré dans sa première phase de son effondrement généralisé, que je qualifie, moi-même, de délinquance. Période au cours de laquelle l’impérialisme n’utilise plus de masques pour s’approprier des richesses mondiales. La violence glauque a priorité sur tous les autres moyens pacifiques. L’ère du Cardinal Richelieu est révolue. Toutes les institutions internationales sont transformées en une caisse de résonance guerrière, notamment l’organisation des Nations Unies. Les états, déjà affaiblis par les deux siècles de pratique capitaliste a outrance, sont assujettis a la reddition, de gré ou de force. Sans oublier les crises économiques et financières irrémédiables qui hantent les places financières mondiales, en particulier les plus riches nations du monde occidental. La dérive morale qui accable les sociétés capitalistes est tellement intégrale que l’occident affiche un contraste identitaire, celui qui constituait la base même du système.   Moment historique ou les lois et institutions (Instruments) sont violées ou ignorées systématiquement.

 La deuxième invasion d’Irak a été une violation flagrante des lois internationales. L’ONU n’avait pas autorisé l’invasion, voir l’occupation du pays. Une coalition d’états amis et serviles fut mise sur pied en 2003 pour matérialiser les vœux du plus grand empire mondial, à savoir le renversement du régime inamical de Saddam Hussein. L’Irak est totalement détruit, laissant derrière, ruines et plus de 200.000 cadavres a l’actif du peuple Irakien, et plus de deux millions d’Irakiens réfugiés a l’étranger.
                Le cas d’Haïti fut encore plus scandaleux. L’armée américaine a kidnappé le président légitime, Jean Bertrand Aristide, l’engouffra dans un avion militaire non identifié pour l’expédier en Afrique. Cette opération fut mise en œuvre le 29 février 2004, avant même la résolution de l’ONU.
                Les 6 mois de bombardement quotidien de l’OTAN contre la Libye dépassent nettement le mandat octroyé par l’ONU à travers la résolution 1973 votée le 18 mars 2011. Il était question de protéger la population civile, supposément menacée par le régime de Kadhafi, l’OTAN a tué 100 fois plus de civils qu’avant les frappes aériennes, soit 100.000 âmes.
                Avant, l’impérialisme respectait hypocritement les normes internationales. Il utilisait l’armée nationale du pays pour renverser le propre gouvernement légitime de ce pays. Ce fut le cas de Jacobo Abens du Guatemala et du caudillisme des années 70 en Amérique Latine. Les puissances néocoloniales opérèrent de la même façon dans le continent Africain en parachutant des marionnettes au pouvoir, totalement dévoués à leurs intérêts. On peut citer les cas de Mobutu Sese Seko, Omar Bongo, Jean-Bedel Bokassa etc.

             Dans cette phase, que je qualifie de délinquance, l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme représente un danger imminent pour le futur de l’humanité. Parce que les présidents des états occidentaux se sont transformés en dérisoires criminels ou assassins semant le deuil partout sur la planète à la poursuite de richesses. En ce sens, Cabral est juste lorsqu’il a déclaré que « L’impérialisme est la piraterie transplantée des océans à la terre ferme, piraterie réorganisée, consolidée et adaptée à l’objectif de l’exploitation des ressources matérielles et humaines de nos peuples ».
                Salvador Allende, l’ancien président du Chili populaire, compara la situation de son pays en 1972 comme « un Vietnam en silence ». Haïti est un Irak en silence. Un peuple qui depuis 7 ans d’occupation vit dans la peur des armes et la permanence d’un choc psychologique. Comme partout ailleurs, les forces d’occupation assassinent en Haïti. Des pauvres sont exécutés a cite soleil. Des militants sont portés disparus, Lovinsky Pierre Antoine est le plus célèbre des cas. Des centaines d’autres sont emprisonnés ou contraints à l’exil. Le cholera, apporté par les forces d’occupation, plus spécialement par la compagnie Népalaise, diminuent la population haïtienne depuis plus d’un an. « Les étrangers occupent nos terres, nos rues, nos hôtels, nos plages, et aussi nos femmes et nos jeunes hommes. L’occupation est absolue. L’impérialisme, dans son hégémonique latitude, impose ses lois de cimetière ».
             Lawrence Davidson, professeur d’histoire à l’université de west chester, de l’état de Pennsylvanie, a exposé dans un brillant article sous le titre : « Pourquoi nous haïssent ils », ce qui suit : « je suis arrivé a la conclusion que les Etats-Unis, en dépit de toutes ses habilites de force (militaire), est en décadence. Le pays va échouer pour les mêmes raisons qui ont emporté dans la destruction les anciens empires. Ils ont échoué parce que, en dernier essor, leurs élites deviennent illusionnistes et le peuple est maintenu dans l’ignorance ». Le citoyen américain n’est pas conscient du rôle que joue leur gouvernement dans l’appauvrissement d’autres peuples et l’instabilité chronique qui frappe certaines nations.  
           Comment comprendre que depuis 7 février 1986, Haïti a connue 9 coups d’état. Tous ont été organisés dans le seul et même pays par les maîtres de Washington. Comment une nation pareil, plongée dans cette instabilité permanente, peut-elle arriver a atteindre le degré de production nécessaire pour subvenir aux besoins de ses sujets. L’américain moyen, appartenant a la classe majoritaire, n’est pas conscient de l’implication de son gouvernement dans la déstabilisation d’Haïti, d’Iran, Libye, Venezuela, Cuba etc. Il est trop endoctriné par les informations biaisées que diffusent les chaînes télévisions occidentales, elles qui représentent l’arme fatale des falsificateurs de l’histoire a leurs profits exclusifs, empêchant aux citoyens américains et européens de sortir dans le carcan idéologique du rôle « bon berger » ou civilisateur s’octroient leurs gouvernements. Le département d’état a fait échec à tout homme intègre qui convoitait le pouvoir en Haïti et ayant une vision nationale. Et ceci, depuis le premier débarquement américain en 1915. Même ceux qui entamèrent de simples reformes socio-économiques au profit de ceux-la qui vivent en dessous du seuil de pauvreté avec 300 dollars ou moins par année ne sont pas exclus.
               Et pourtant, au moment même de la révolution française de 1789, « 20 % de la richesse française provenaient d’Haïti. Ce pays produisit plus de 75% de sucre dans le monde a lui seul et fut le premier producteur de coton dans le monde ». La grande presse omet de mentionner ces chiffres qui porteraient le citoyen lucide à s’intéresser aux causes de l’échec de la première république noire du monde. Ainsi, il découvrirait les mains sales des Etats-Unis et de la France directement impliquées dans la mise a sac d’Haïti.

          L’impérialisme « est la dernière phase du capitalisme », ceci explique aujourd’hui sa violence aveugle et déterminée, ainsi l’exemple des bombardements Libyens est très révélateur. Ses ténors savent pertinemment, que son règne dépend de la violence. Car les mensonges traditionnels sont dépassés. Il n’y a plus de compromis possibles. Le monde d’aujourd’hui nous renvoie, par sa violence, à 50 ans en arrière. Quand Cuba imposait son défi en plein cœur des Caraïbes a la plus grande puissance capitaliste mondiale. La conjoncture actuelle rappelle les années 60 quand l’Afrique vivait « l’heure des embrasements ». En ces temps agités, Il fait beau de citer le visionnaire Amilcar Cabral : « Pour nous, la façon la plus efficace de critiquer l’impérialisme, quelle que soit sa forme, c’est de prendre les armes ». Il blesse de citer encore ces propos datant de 1966, tant ils sont d’actualie. Il n’y a pas de demi-mesure. Frantz Fanon, l’auteur de « les damnés de la terre », avait raison quand il définissait le néo-colonialisme comme une machine infernale de la violence qui dévore l’homme. Le seul moyen de l’arrêter est d’imposer une plus grande violence. Le retour a l’heure des brasiers.
              Rien n’arrête les puissances impérialistes. Le suffrage universel qui fut considéré comme fer de lance de la propagande politique occidentale est vidée de son contenu sacré, pour parodier Praloto.   Les élus ne jouissent plus de l’inamovibilité d’antan. Certains observateurs critiquent déjà la tenue même des élections dans le monde. A quoi cela sert d’appeler le peuple dans ses commices, si les sénateurs, députés, maires et présidents sortis  victorieux des urnes n’arrivent plus a terminer un mandat légitime. De la même façon qu’est banalisé le christianisme, les élections sont aussi standardisées comme un exercice futile. Les exemples sont trop nombreux, parler d’une crise morale sans précédent qui frappe l’impérialisme ne fait plus l’objet de doute. Les cas de Salvador Allende au Chili, du « Front Islamique du salut » en Algérie, Jean B. Aristide en Haïti, le Hamas en Palestine, Honduras… invitent les penseurs a la réflexion concernant le futur de notre monde.
             Le cas haïtien est le laboratoire indispensable permettant de comprendre l’affermissement de l’impérialisme dans la délinquance. Ayant accompli deux interventions militaires dans ce pays des caraïbes en moins d’une décennie, cela requiert une étude nécessaire pour pénétrer la nature du mal que souffre l’occident et que le peuple haïtien est en train de faire les frais. Car l’impérialisme n’arrive plus à respecter sa propre doctrine que, hier encore la présentait comme les prémices indispensables à l’évolution de l’homme du présent et du futur. 16 décembre 1990, des élections honnêtes furent organisées en Haïti. L’international, comme une seule voix salua le succès fulgurant de ces joutes qui portèrent un adepte de la théologie de la libération au pouvoir. 7 sept mois plus tard, il fut renversé par un coup d’état ayant fait plus de 5000 tués, dont nous venons de commémorer les 20 ans. Reelu en 2001, Jean B. Aristide fut encore victime d’un autre coup d’état. Cette fois-ci, l’impérialiste américain allié au français fit son apparition sans masques pour arrêter manu militari et embarquer le président légitime dans un avion militaire pour l’Afrique. C'est-à-dire loin du théâtre politique haïtien. Pendant 7 ans, des valets défilent au pouvoir répondant simplement aux dictées du cercle impérialiste élargi, dont le Brésil, le dernier bourreau du peuple haïtien. L’impérialisme est hypocrite, sinon, il se déclarerait en faillite et remet les renes du pouvoir aux alternatives populaires. Parler ainsi, c’est mal connaître l’histoire de l’humanité. Au contraire, il préfère déclarer d’autres guerres mondiales pour continuer l’agonie de l’homme.
            Il y a des observateurs haïtiens qui, confus dans leurs réflexions, estiment que les Etats-Unis règlent un problème spécial avec Haïti. Si apparemment cette lecture fait du sens, par contre elle néglige toute une série d’événements politiques macabres inhérents à l’évolution de l’impérialisme a travers l’histoire. Son objectif est de subjuguer l’homme dans sa totalité. Le problème ne se pose pas en termes de peuple, c’est une doctrine globale qui ambitionne de tout contrôler en multipliant les victimes. L’état d’Haïti est souffre-douleur du même système qui a endeuillé les peuples du Panama, Chili, Iran, Panama, Honduras, Libye, Irak, Palestine etc. C’est pourquoi, qu’à  coté des luttes nationales, aujourd’hui il faut une mobilisation internationale de soutien aux peuples en rébellion. L’impérialisme, de par nature, est global. Il est affecté par une sorte de luxure subjuguée à un appétit insatiable de ressources de toutes sortes, territorial, matières premières, mines, cerveaux…Haïti est un autre martyr. Cependant, l’impérialisme, dans sa course effrénée, tient bien compte des réalités socio-historiques de chaque peuple en particulier. Ceci est basé sur l’ensemble des prouesses accomplies, les faits d’armes, les révolutions, les réalisations, les mouvements culturels et idéologiques. Ce qui vérifie la théorie dite de « manifest destiny ». Donc, Haïti peut être frappée durement, à cause du triomphe de la première révolution anty colonialiste, anty esclavagiste et anty raciste dans le monde. A part quoi, les peuples Libyen, Irakien, Palestinien, Cubain…connaissent les mêmes sorts que ceux d’Haïti, donc la violence et l’hypocrisie sortent des entrailles de l’impérialisme.
          Bill Clinton, l’ancien président américain, est l’agent spécial de l’impérialisme en Haïti. Il a non seulement choisi Michel Martelly comme président, il le conseille, nomme ses  ministres et premier ministre, rédige ses textes et, quand l’assistance ne se met pas debout pour acclamer son poulain, il le fait lui-même en bon Pom-pom girl. Comme ce fut le cas le 19 septembre 2011 dernier à New York, lorsqu’il eut a déclarer, devant un public d’hommes et femmes riches, qu’il avait « attendu 30 ans pour entendre, enfin, un chef d’état haïtien définir avec autant de convictions et de minuties les priorités de son pays ».  Si on ne connaissait pas l’orientation sexuelle prouvée de Bill Clinton, notamment a travers l’affaire de Monica Lewinsky, on pourrait interpréter ses excès de zèle comme quelqu’un qui a « les yeux de chimene » pour Martelly.
             Le professeur américain de sciences politiques, Thomas R. Dye, définit la politique « comme l’étude de qui est bénéficiaire de quoi, quand et comment ». Donc, l’implication de Bill Clinton dans les affaires politiques haïtiennes sous forme d’humanitarisme est en contradiction avec la « real politic ». Il joue magistralement au « maître blanc » détenant les clés du paradis permettant aux « negres » d’accéder au développement économique, progrès social et technologique. Comme tout envahisseur, Clinton s’est fait entourer des bourgeois du secteur des affaires et conservateurs de la classe politique haïtienne. Cela donne une idée de l’objectif du monsieur. La vérité est que rien ne se fait pour rien.
            Au cours de l’année 2006, Renu Mehta, une autre riche de la classe dominante anglaise organisa un « fund raising », réunissant des super riches du monde, pour recueillir de l’argent dans le but de faire avancer la cause charitable. Bill Clinton fut retenu comme « keynote speaker ». Les riches donnèrent jusqu'à 1.5 million de dollars a cette occasion. Cependant, on tira 450.000 dollars de cette somme pour payer les sacrés services de l’ancien président américain. Une certaine frange de la presse parvenant à être au courant de cette somme versée à Clinton, cria au scandale. Apres les activités, l’organisatrice, madame Renu Mehta eut a déclarer ce qui suit pour calmer les esprits et se blanchir elle-même: « Nous faisions de la charité, il ne viendrait pas si nous ne lui avions pas payé cette somme » ; elle poursuivit pour ajouter que : « Si nous étions chargé moins, nous pourrions donner beaucoup plus ». L’engagement de Clinton en Haïti mérite d’être interrogé et, il y a des rumeurs persistantes qui circulent a Port-au-Prince, comme quoi sa fille, Chelsea Clinton, aurait occupé une fonction au sein de la commission intérimaire pour la reconstruction, CICR, que co-préside Mr Clinton. Toutefois, a cote de ces intérêts mercantiles, il y a d’autres raisons qui sont liées à la politique hégémonique de l’empire dans l’hémisphère qu’il faut considérer aussi.
               Si on fait une brève analyse du paysage politique au niveau de l’hémisphère américain, on constate ipso facto l’existence d’une rébellion à faible intensité en vue d’une reformulation de la donne politique au niveau régional. Cette nouvelle réalité politique et sociale est agitée par des organisations et leaders de gauche dont l’objectif est de rapatrier les décisions politiques et économiques liées a leurs destins de peuple. L’impérialisme ne chôme pas, il veut renverser la tendance citoyenne en progression dans le monde, plus particulièrement en Amérique Latine.
            Entre-temps, les massacres se poursuivent. Plus de 100.000 morts en Libye, pour la dernière sortie guerrière en date, la destruction du pays est totale, en particulier Tripoli, la capitale. Le peuple Libyen, sous couvert de la démocratie, fait marche arrière. L’impérialisme ne laisse d’autres choix aux peuples que l’affrontement. Libération ou la mort !
Entre-temps les propagandes se multiplient pour dissuader les citoyens d’adopter des mesures radicales. Si pendant la guerre froide, le slogan assassin etait l’épithète de communiste, aujourd’hui le mot magique est terroriste. Il faut toujours manipuler l’opinion publique autour des thèmes d’effroi pour s’assurer de leur participation dans le massacre. La violence symbolique engendre toujours la férocité meurtrière. Le 21e siècle a été mal débuté. L’alibi fondamental dont avait besoin l’impérialisme lui a été fourni dans l’attentat du 11 septembre 2001. Dans l’intervalle, on procède au désarmement virtuel et réel de tous les citoyens sous la rubrique de lutte anty terroristes. Si tous les marchés des pays occidentaux sont libres, à l’exception du marché des armes, il est monopolisé par les impérialistes.
Cette phase de délinquance de l’impérialisme est la plus dangereuse. Toutes les autres options se tuent pour faire émerger la dialectique des armes. De l’autre cote, il y a les mouvements citoyens mondiaux qui symbolisent l’espoir et le futur de l’humanité et qui ne chôment plus. D’où la nécessite de lutter pour réduire le fosse qui sépare la presse indépendante de celle des riches afin de rééquilibrer la balance de la lutte psychologique. La résistance reste la seule option viable pour contrecarrer la marche impériale, surtout en ce temps précis de délinquance.


JOEL LEON