Thursday, February 16, 2012

Une Syrienne, dont le frere a ete tue a Homs par des " opposants", temoigne


Une Syrienne, dont le frère a été tué à Homs par des « opposants », témoigne
Propos recueillis par l’écrivaine Nadia Khost

Le 9 fevrier 2012

Les citoyens occidentaux sont systématiquement désinformés sur la Syrie, comme hier sur la Libye ou sur l’Irak. Le 1er février, l’écrivaine Nadia Khost, a rencontré une Syrienne qui réside à Damas, originaire de Homs, et dont le frère a été kidnappé et assassiné à Homs. Le témoignage poignant qu’elle a recueilli décrit une réalité que l’ONU, Amnesty International, Human Rights Watch ignorent ou dénaturent. - (SC)

Opposants syriens
lourdement armés
 (AFP)

Mon frère, qui possède un négoce, déposait son épouse tous les matins à son travail. Les jeudis, vendredis et samedis, ils quittaient Homs pour se reposer un peu de l’ambiance tendue de la ville. Mon frère n’était pas mêlé à la politique ; durant la crise que connaît son pays il prenait soin de montrer sa neutralité.
Le 3 janvier 2012, il dépose son épouse à son travail. Après l’avoir quittée, il n’est pas revenu à la maison. C’était une des journées calmes, où il n’y a eu que 3 tués. Il fut l’un d’eux.
Un homme appelle chez lui et demande : « J’appelle chez (…) Qui êtes-vous ? »
Sa fille âgée de quinze ans répond : « Je suis sa fille »
L’homme lui dit : « Ton père a été tué, je l’ai trouvé étendu au sol à Bab Dreib ; je l’ai emmené au dispensaire à Bab Sba ; j’ai ses papiers et son téléphone portable que je vais faire livrer ». [1]
La fille appelle sa mère au travail et lui raconte ce que lui a dit l’inconnu. Sa mère accourt à Bab Sba accompagnée de plusieurs collègues. À l’entrée du dispensaire elle demande des nouvelles de son époux. On lui répond qu’il est mort. Elle entre, le voit mort, mais on ne lui rend pas le corps ; et jusqu’à présent on ne lui a toujours pas remis son acte de décès.
Ceux qui l’ont tué ont photographié le cadavre et publié sa photo sur Aljazeera en attribuant la responsabilité de sa mort à l’armée syrienne. Des informations contradictoires ont circulé sur des sites internet ; l’un disant qu’il était âgé de 60 ans ; un autre le qualifiant de médecin ; ou encore de chauffeur.
Apprenant la mort de son frère, sa sœur est accourue à Homs depuis Damas pour assister aux condoléances. À l’entrée de Homs, sur les deux côtés de la route, elle a vu des voitures de particuliers détruites par les bandes armées. Et dans tout Homs, jusqu’à la maison de son frère à Jourat Chayyah, - un quartier sous l’influence des rebelles - elle n’a pas vu de bâtiments pilonnés, comme le prétend l’opposition, la chaîne Aljazeera, et les médias occidentaux qui qualifient Homs de «  ville martyre ».
La sœur et l’épouse du mort ont accueilli les visiteuses venant présenter leurs condoléances, à la maison ; les condoléances des hommes ont eu lieu à la mosquée. La sœur s’est trouvée prise dans une ambiance étrange et insupportable. Les femmes répétaient, tout comme l’ont fait les hommes à la mosquée : « Nous vous félicitons de son martyr (sacrifice) ».
La sœur devait se retenir pour ne pas leur crier : Qui vous a dit qu’il s’est sacrifié !? C’est un homme qui a été intentionnellement assassiné par les bandes armées pour ensuite envoyer sa photo à des médias internationaux, en accusant le régime de l’avoir tuée. Là s’est vérifié le dicton : « Vous le tuez et vous suivez ses funérailles ».
L’épouse lui fait signe de ne pas trop en dire. Et là, elle constate que le drame majeur de la population de Homs est d’accepter le mensonge, en assurant qu’il reflète la réalité.
Parmi les visiteuses, elle a retrouvé des camarades d’école.
« Ne trouvez-vous pas qu’à Homs il y a des bandes armées qui tuent les gens ? » demande-t-elle.
«  Non », lui répond-t-on.
« Vous ne regardez pas les chaînes syriennes, ou la chaîne Aldounia ? »
« Non pas du tout ; nous ne regardons ni la chaîne syrienne ni la chaîne Aldounia [une chaine privée syrienne]. Tu devrais toi aussi regarder Aljazeera. »
Incrédule, elle persiste à les interroger sur des faits précis : «  Mais ce sont des bandes armées qui ont tué l’enfant Sari Saoud. N’avez-vous pas entendu la douleur de sa mère ? Elle a accusé les bandes armées de son meurtre… »
Elles répondent sans hésiter : « C’est le régime qui l’a tué ».
Elle insiste : « Zainab ALHOSNI, dont Aljazeera a montré les funérailles, accusant le régime de l’avoir tuée, ne savez-vous pas qu’elle est apparue par la suite sur les écrans de la télévision syrienne, vivante, montrant sa carte d’identité… ? »
Elles répondent : « Non, les forces de sécurité du régime l’ont tuée ».
Les visiteuses sont parties, une dernière est restée. La sœur de la victime lui demande : « Est-ce possible que toutes ces femmes ne sachent pas que les bandes armées sévissent à Homs ? »
La visiteuse lui répond : « Entre nous, il y a des bandes armées, mais ne dis à personne qu’on en a parlé ».
La sœur n’était pas seulement triste de ce qu’elle découvrait, mais révoltée et en colère. Elle m’a dit en revenant sur ces faits :
« J’ai détesté Homs, ma ville, j’ai détesté la conspiration qu’il y a, oui la conspiration…
L’épouse d’un marchand, voisin du négoce de mon frère, a raconté que son mari a accompagné le tué, pas à pas, après son assassinat et comment, alors qu’il était présent lors de la toilette du mort, il a assisté à la préparation à l’enterrement. Je lui ai alors demandé : « Comment as-tu appris que mon frère avait été tué ? »
Elle a répondu : « Au même moment, on a suivi cela sur internet. »
Nous étions étonnées. Cette femme analphabète suivait-elle internet ? Protégeait-elle les hommes armés qui ont tué son voisin, nous sommes-nous demandé ?
Autre élément troublant. Les traiteurs et magasins d’alimentation étant fermés, d’où venaient alors les plats cuisinés de viande et de riz ? (offerts lors des funérailles).
Ceux qui se taisent ne voient-ils pas que les bandes armées ont versé de la colle et du bitume dans les distributeurs de billets, pour que les gens ne touchent pas leurs salaires ? N’ont-ils pas compris que ces bandes détruisent le pays ? Les négoces sont fermés le travail des gens est paralysé, la vie commerçante est au point mort, les poubelles s’amoncellent sur les trottoirs, et les jeunes voyous armés se déploient autour des mosquées avant la prière du vendredi pour fabriquer une prétendue manifestation pacifique spontanée.
Ne croyez pas ces assassins qui prétendent vouloir des réformes et la démocratie ! Ce sont des voyous armés ! Ils allument une guerre confessionnelle, et plantent à Homs la haine contre d’autres villes syriennes, Damas, Alep, Latakié…
Leurs crimes, commis rien que dans ma famille, en témoignent. Ils ont tué mon frère, et le jeune cousin de ma mère, avec un de leurs obus ou mortier, alors qu’il était chez lui. Ils ont kidnappé mon cousin, et ne l’ont relâché qu’après avoir touché la rançon demandée : 3 millions de livres.
Entendez-moi bien : Je ne suis affiliée à aucun parti, je ne suis ni pro-régime, ni dans l’opposition. Je suis une citoyenne syrienne ; je comprends que la Syrie est en danger, que ses traditions morales et les relations simples et normales des gens entre eux sont en danger.
Ces opposants introduisent dans notre société des concepts nouveaux dont nous n’avons pas l’habitude : le sectarisme et la haine entre les villes qui signifient déchirement de la Syrie ; ils menacent notre Histoire et notre existence. »
Ici se termine le témoignage que nous a livré cette femme à Damas le 1er février 2012.
Cette femme voilée nous a raconté - au travers de son expérience douloureuse - ce que racontent, par leur cris, toutes les femmes syriennes voilées ou pas, lors des manifestations pacifiques à Damas ou dans d’autres villes syriennes. Elle a répété leurs mots, - qui étaient, après tout, ses mots à elle - sincères, du fond du cœur. Ce sont les mots des Syriens, hommes et femmes. Des mots issus de la douleur de la mort de son frère, issus de sa douleur personnelle à la vue de ce que Homs, sa ville d’origine, est devenue, désormais soumise à la terreur et aux atrocités d’hommes armés dont ils occupent des quartiers en pratiquant le lavage de cerveau sur leurs habitants.
Dans le contexte traumatique entretenu par cette « démocratie armée » qui répand la terreur, nous ne pouvons pas divulguer le nom de la femme qui témoigne ici, ni celui de son frère, pour ne pas exposer ses enfants et son épouse, à un enlèvement ou un assassinat.
Nous gardons le nom du frère disparu, pour le livrer à ceux qui, plus tard, jugeront les assassins.
Dr Nadia KHOST
2 février 2012

Post scriptum
Le témoignage poignant que Nadia Khost a recueilli décrit une réalité que les journalistes de nos radios, télévisions, et presse écrite se refusent obstinément à reconnaître en reprenant sans examen comme véridiques les massacres attribués par l’opposition uniquement aux forces de sécurité de Damas. Ainsi que le nombre de tués et de blessés livrés par un douteux « Observatoire syrien des droits de l’Homme », basé à Londres, financé et créé à des fins de propagande par des États du Golfe et des Etats occidentaux. Ce qui revient à soutenir, au moins passivement, les gouvernements qui, sous couvert de « démocratisation » et de « protection des civils », attisent cyniquement - dans ces pays qui, comme la Syrie, échappent à leur influence - tous les germes de division, sans la moindre considération pour les malheurs qui vont en résulter pour les populations concernées.
Les envoyés spéciaux ne parlent jamais de l’angoissante réalité des Syriens tétanisés par la peur de ces gangs armés qui kidnappent, torturent, rançonnent, tuent leurs père, fils, cousin, et les soldats qui viennent à leur secours ; horrifiés quand ils reconnaissent un parent parmi les cadavres mutilés montrés sur Aljazeera ou Alarabya, et entendent les véritables assassins dire que les auteurs de ces atrocités « sont les soldats de Bachar el-Assad. »
C’est de cette dure et invraisemblable réalité que parle ce témoignage. Il conduit à comprendre que ce n’est pas l’armée régulière du gouvernement el-Assad qui fait le plus de mal au peuple syrien. Et à s’interroger sur les biais et la responsabilité de journalistes qui se contentent - intentionellement ou pas - de répéter ce que disent ces « opposants » armés qu’ils présentent en «  libérateurs ».
Silvia Cattori
7 février 2012
Traduit de l’Arabe par Rim (le 6 février 2012) pour le site silviacattori.net.
L’écrivaine syrienne Nadia Khost — auteur de nombreux ouvrages, d’essais, et de nouvelles portant sur l’histoire, l’architecture, la conservation et la protection du patrimoine de la Civilisation Arabe — vit à Damas.
 
[1] Les quartiers de Bab Sba et Bab Dreib sont sous le contrôle des groupes armés opposés au gouvernement.

Tuesday, February 14, 2012

HAITI-DUVALIER


Haiti-Duvalier
Pour lui, pour elle et pour eux, pour tous nos enfants...

Magali COMEAU DENIS
Aux Casernes Dessalines, sises au Palais National, à quelques mètres des bureaux et appartements privés du Président à Vie Jean-Claude Duvalier et de son épouse. 1982. La salle est sombre. Un grand bureau. Dessus, parfaitement rangés, une feuille blanche, un crayon, un revolver, une lampe dont la faible lumière permet à peine de reconnaitre les visages des trois hommes assis derrière le bureau. Au centre, trône le Docteur Roger Lafontant, Ministre de l’Intérieur et de la Défense Nationale, affable, accueillant, il tangue en faisant tournoyer son fauteuil. A sa droite et à sa gauche, immobiles, le visage fermé, se tiennent Emmanuel Orcel et Albert Pierre dit Ti Boulé, colonels des Forces Armées d’Haïti. La Commission d’Enquête Spéciale de Jean-Claude Duvalier. Des haut-parleurs diffusent des enregistrements de hurlements d’un homme qu’on torture et qui supplie grâce, pitié. Deux gardiens accompagnent le prisonnier menotté, l’installent au milieu de la salle sombre, saluent militairement les trois hommes et quittent la pièce.
- Vous êtes bien Hervé Denis ?
- Je suis Hervé Denis.
- Nous sommes désolés pour les menottes, Monsieur Denis. Vous pourriez mal réagir, elles sont seulement pour vous protéger contre vous-même… Donc, vous êtes bien le Hervé Denis qui a vécu plus de 20 ans en France, n’est-ce pas ?
- 21 ans.
- Vous êtes restés très longtemps, trop longtemps à l’étranger. Vous avez perdu vos réflexes. Nous comptons bien au cours de cette conversation vous redonner vos réflexes d’Haïtien. Car vous êtes devenu un étranger, n’est-ce pas.
- C’est-à-dire ?
- C’est-à-dire que vous n’avez pas peur, professeur Denis. Vos cours à la Faculté en sont la preuve, nous en détenons les enregistrements. Nous allons d’ailleurs en réécouter et analyser des extraits en votre compagnie. Vous n’avez pas peur ! Le tract sur la Première Dame en mal de vedettariat, le Président débile léger, c’est bien de vous n’est-ce pas ? Non non, ne niez pas, vos amis vous ont déjà dénoncé ! Vous n’avez vraiment pas peur ! Mais vous n’êtes pas responsable de vos réflexes, n’est-ce pas ? De même que vous n’êtes pas responsable de votre mémoire, n’est-ce pas ? C’est à nous de faire notre travail. Avec vous, cela en fait beaucoup. Car il nous faut vous redonner vos réflexes et en même temps vous apprendre à oublier. A rayer de votre mémoire les techniques de déstabilisation d’un régime que vous avez apprises aux événements de mai 68 en France. Oui oublier tout cela, professeur, et en même temps, ne plus jamais, jamais, oublier d’avoir peur, professeur Denis.
C’est alors que le signal fut donné, un coup sec du crayon sur le bureau, côté gomme. Et qu’est arrivé de l’arrière, de quelqu’un qu’il n’avait pu voir en rentrant dans la salle sombre et qui se tenait derrière lui, le premier coup à la tête, du côté gauche. Un silence, savamment dosé, suivit. Le temps pour ses bourreaux de le laisser revenir de son étourdissement et de le remettre en conditions de répondre à leurs questions, mais, pour lui, le temps de savoir que sa tête n’avait pas explosé, de se sentir vivant, pour lui, surtout, le temps de prendre la mesure de ce qui lui arrivait, rester en vie, ne pas passer du crayon au revolver, rester en vie, résister, obtenir victoire sur cette soudaine et terrible envie d’uriner. Cela devait durer ainsi, pendant quatre heures trente, rien qu’à la tête, et toujours du même côté de la tête…
Jean-Claude Duvalier, revenu à Port-au-Prince, a exprimé vendredi dernier sa « tristesse » envers ceux qui se « reconnaissent victimes » de son régime. C’est un homme qui ne regrette rien qui a parlé. C’est un homme qui n’a rien appris - ou a bien appris - de ses vingt-cinq ans en terre de « vieille démocratie » qui s’est adressé avec arrogance à la « jeunesse de mon pays ». Pour n’avoir jamais été inquiété. Pour s’être félicité des multiples fins de non-recevoir réservées, depuis 1986, aux tentatives du « Comité pour Juger Duvalier » pour le traduire en justice par-devant les tribunaux français. Pour avoir pu se réjouir des photos récentes qui circulent sur internet de son ex-première dame Michèle Bennett Duvalier en compagnie respectivement de Jacques Chirac, de Bernadette Chirac, de Dominique de Villepin, tous trois souriant ostensiblement, regard tourné vers la caméra, incivilement heureux de cette compagnie. Ou encore, ou pire, de celles indécentes, obscènes, depuis son retour, des amis, cousins, frères de ses propres victimes venus l’acclamer… Pour, enfin, détenir les garanties octroyées par le règne permanent et sans partage de l’impunité consacrée autant par les gouvernements qui lui ont succédé que par la société haïtienne elle-même.
Dans le déni total des souffrances qu’il a infligées hier et des douleurs qu’il attise aujourd’hui, nous frappant ainsi de la double peine, Jean-Claude Duvalier, serein, est cet homme qui en appelle à la réconciliation nationale, qui attend donc de ses offensés qu’ils lui octroient ce que lui ne daigne pas leur demander, le pardon. C’est cet homme qui aurait pu au moins dire sa reconnaissance envers la population haïtienne pour les libertés conquises au prix le plus fort dont il jouit aujourd’hui, que ses défenseurs et lui-même peuvent revendiquer grâce à la détermination du peuple citoyen qui, en s’affranchissant en 1986 de son emprise féroce, l’a libéré lui de sa propre peur, celle qui a servi de fondement à cette dynastie de près de trente ans.
Car la terreur répandue ne l’était pas pour elle-même ou pour satisfaire un quelconque sadisme des sbires du régime, même quand elle a pu représenter pour certaines et certains, individuellement, une jouissance collatérale. Cette terreur était pour distiller la peur, en imprégner tout un peuple pour le déshumaniser, l’annihiler, pour mieux l’asservir, et s’enrichir, et se perpétuer. C’est à cela qu’ont servi, au règne du père et du fils, les obligations faites aux directeurs d’école et aux instituteurs d’accompagner leurs élèves en uniforme, des enfants, au cimetière de Port-au-Prince, pour assister aux séances d’exécution de rebelles. C’est à cela qu’ont servi les parades d’exhibition des têtes coupées de ceux qui avaient osé, toujours présentés à l’opinion comme des « communistes apatrides », mots de passe garantissant la bénédiction renouvelée de l’Occident chrétien. C’est à cela qu’a servi la milice omniprésente, dans les rues, dans les foyers, qui épie, espionne, dénonce, kidnappe, viole, vole, pille, emprisonne, torture, assassine, engendrant une génération du murmure et du chuchotement, au pays du poète Anthony Phelps, « à la saison si triste qu’il est venu le temps de se parler par signes ».
C’est à cause de tout cela, de cette violence inédite, qu’ils sont partis par milliers, volontairement ou de force, vers l’Afrique, l’Amérique du Nord, l’Europe, nos agronomes, nos médecins, nos agriculteurs, nos professeurs d’universités, nos instituteurs, provoquant cette rupture dans la transmission des savoirs. C’est parce que nos arbres ne devaient pas servir d’abris aux rebelles qu’ils ont été abattus, aggravant la détresse de notre environnement. Que nos égouts ont été volontairement obstrués pour prévenir leur usage par une éventuelle guérilla urbaine, rendant notre capitale plus insalubre.
La dictature fut totalitaire, le désastre total.
Aujourd’hui encore, comme depuis 1986, les puissances « amies » d’Haïti, fidèles à elles-mêmes, relayant le discours des offenseurs ou banalisant le crime, invitent ce pays, comme si la mémoire faisait obstacle au progrès, à « ne pas revenir sur le passé, car il faut se tourner vers l’avenir, il faut de toute urgence s’atteler à cette reconstruction, il faut… il faut. » Les mêmes ne s’offusqueraient-elles pas d’entendre professer l’oubli de la Shoah ? Y aurait-il des discriminations jusque dans la reconnaissance des violations des droits de la personne humaine ?
Aujourd’hui, encore, comme souvent dans notre histoire de peuple offensé, nous sommes seuls de ce côté vertueux de la barricade, à réaffirmer notre foi dans la vraie démocratie, celle qui ne sait pas cheminer sans la vérité et la justice sous toutes ses formes, celle qui ne s’accommode pas du processus électoral infâme de 2010 ovationné par les mêmes « amies ». Celle qui sait prendre le temps et la tendresse nécessaires pour panser les blessures des hommes et des femmes, car après tout, c’est bien à leur bonheur qu’elle aspire.
Mon pays ne donnant pas encore droit au repos, la lutte donc continue. Elle nous somme, pour que nous en sortions victorieux, de choisir clairement notre camp. Mais aussi nos compagnons de route, d’ici et d’ailleurs, car ce sont les démocrates qui font exister la démocratie, et non l’inverse.
Magali Comeau Denis
Ancienne ministre de la culture, comédienne
Port-au-Prince, Haïti

Wednesday, February 1, 2012

Haiti: " Diplomatie d'affaires ou diplomatie d'affairisme"

Haïti, « diplomatie d’affaires ou diplomatie d’affairisme »

« On a toujours l’impression de ne pas être au bon endroit à Davos, qu’une réunion plus intéressante a lieu quelque part dans un hôtel, et que c’est la qu’on devrait être. Comme si le vrai Davos se déroulait en secret quelque part ».
(Steve Case, fondateur de AOL)
Par Joël Léon

La chaudière de la politique haïtienne ne cesse de bouillonner tout au long du mois de janvier. D’après tous les indices, le mois de Février se coulera dans le même climat. Entre-temps, les rumeurs les plus folles circulent a flots dans le pays et la diaspora d’Haïti sur cette épineuse affaire de nationalités multiples. L’exécutif semble, en apparence, bien sur, ne s’en foutre pas mal.
Pendant la fin du mois de janvier, six membres du gouvernement se trouvent à l’étranger. Le ministre des affaires étrangères, Laurent Lamothe, se trouve en France accompagné du ministre du tourisme, Mme Stéphanie Balmir, celui du commerce, Mr Wilson Laleau, et de la coopération externe, Mr Herve Day. Sans oublier le chef de cabinet de Mr Lamothe, Ady Jean Gardy, et du directeur général, Mr Nixon Myrthil. Tout ce beau monde était à Paris à la tête d’une forte délégation, incluant de nombreux hommes d’affaires haïtiens, conduite par le chancelier Laurent Lamothe. D’un autre coté, le ministre de l’agriculture, Herve Docteur, se trouvait au Salvador et Costa Rica et le premier ministre en république Dominicaine. Donc, 6 membres de l’exécutif parcouraient les artères du monde presque simultanément.
Le président lui-même, toujours dans sa tradition de pigeon voyageur, était en Suisse, à Davos, pour participer au 42e forum économique mondial. D’après un article d’Andrew Ross Sorkin publié dans « courrier international », dans lequel l’auteur a amplement expliqué le système mis en place incitant à débourser fort pour se frayer une place là-bas (courrierinternational.com). Un séjour à Davos est particulièrement exorbitant. De façon très modérée, ce voyage du président Martelly doit coûter dans les 3 millions de dollars américains. En échange de quelles retombées ! Steve Case, le fondateur de l’AOL, confia à Andrew Ross Sorkin que « on a toujours l’impression de ne pas être au bon endroit à Davos, qu’une réunion plus intéressante a lieu quelque part dans un hôtel, et que c’est la qu’on devrait être. Comme si le vrai Davos se déroulait en secret quelque part ». Le président Martelly, a-t-il été au vrai Davos ?
A Davos, le président entendait faire la promotion d’Haïti en implorant les investisseurs à venir exposer leur argent dans le pays. Il n’y a rien de mal dans la démarche de convaincre qui de droit à introduire des capitaux frais dans l’économie stagnante du pays. Cependant, les investisseurs ne sont pas des donateurs, ils investissent leurs capitaux dans l’unique fin d’accumuler le maximum de profits possibles. Martelly compte les persuader en donnant l’assurance de la justesse de son plan à combattre la corruption, à partir d’un prétendu schéma mis en place pour éliminer ce fléau. Ce que le président ignore, le capitalisme n’est pas vertueux, puisque sa fonction première est de faire de l’argent, d’autant que « Le capitalisme a pris naissance dans le sang et la sueur ».Donc, les investisseurs ne s’intéressent pas vraiment au discours pompeux de lutte contre la corruption. Il faut de préférence une autre stratégie, celle-la ne marchera pas. Ainsi, Cette semaine, les autorités Birmanes décident d’accorder aux investisseurs étrangers 8 ans d’opération dans le pays sans payer de taxes. Voila ce que les investisseurs veulent entendre, pas des chignons ou des bonnes intentions.
Sous couverts de « diplomatie d’affaires », tous les ministres du gouvernement haïtien font le tour de la terre. Ma grand-mère, feue Hernoce Clé, parlerait d’un gouvernement « laviwon dede ». L’administration de Martelly respecte la tradition comme tous les autres gouvernements avant lui. C'est-à-dire, avant d’accéder au pouvoir il avait vilipendé tout le système de fonctionnement de l’état, juste pour mieux le reproduire à son tour. C’est typiquement le politicien. L’exécutif actuel opère par des slogans. Aujourd’hui, ce qui est sur toutes les lèvres en Haïti, c’est une question de « diplomatie d’affaires ». On le répète si souvent, parfois on se perd sur la vraie signification du thème pour le gouvernement haïtien. Spécialement Laurent Lamothe, chancelier haïtien, mais se comportant plus souvent en premier ministre. Lorsqu’on considère les sorties internationales et les communications publiques du chef de la diplomatie haïtienne, on se rend compte de plus en plus qu’il a instauré dans le pays une diplomatie d’affairisme plutôt qu’une diplomatie d’affaires.
La politique étrangère du gouvernement haïtien n’est pas bien inspirée et ne relève en soi aucun temps fort haïtien conformemnt a l’histoire nationale. C’est la mendicité qu’on n’a jamais fait l’expérience auparavant. Le discours du chancelier est routinier. Il n’y a aucune substance spécifiquement émanée d’une pensée haïtienne. C’est le verbe dans toute sa vacuité. C’est ce qui arrive quand on catapulte dans la diplomatie un revendeur de téléphones. Il se déplace quand il faut consolider. Il s’exprime quand le silence est nécessaire. Il rit quand il faut être serein. En filigrane, il est frappé par la luxure de l’ignorance. Car, en dépit de tout, « la diplomatie reste une science bourgeoise ». Elle a une forme, un couloir, une langue et surtout de l’élégance. La vocifération ou la tempête est anti-diplomatique.
La diplomatie d’affaires n’est pas efficace sans industrie, production, banques etc. D’ailleurs, l’initiative est boiteuse au départ. On ne peut initier une politique profonde pareille sans l’organisation de plusieurs conférences ayant pour objectif d’harmoniser tous les secteurs liés aux affaires en Haïti. Ensuite, il faut un personnel diplomatique approprié. Donc, il faut introduire cette nouvelle politique dans les mœurs des traditionnels diplomates haïtiens qui battent tous les records de l’inaction. Marcel Duret, l’ancien ambassadeur d’Haïti au Japon, fut le seul exemple digne d’un diplomate actif qui coordonnait activités officielles d’état et quête d’investissements pour Haïti en une unité stable et harmonieuse. Ou est il ?
Laurent Lamothe n’est pas qualifié pour conduire la diplomatie haïtienne. Il occupe la fonction du fait qu’il fut le principal financier de la campagne électorale et ami personnel du président. De douteuse réputation, ce qui est commun à tout affairiste, Laurent Lamothe n’inspire pas confiance. Il n’a pas l’expérience nécessaire qu’exige la triture diplomatique. A dire vrai, il a beaucoup voyagé dans le monde, mais c’était pour écouler sa marchandise téléphonique. Le placer au sommet de la diplomatie haïtienne est une aberration.
D’ailleurs, Cheik Yerim Seck, un Sénégalais a décrit Mr Laurent Lamothe comme « Cet Haïtien de 39 ans, installé dans un château à Cape Town, qui se déplace en Maserati dans les artères de cette station balnéaire sud-africaine et voyage en jet privé… ». Un homme habitué avec un train de vie pareil, très orienté vers le business, placé à la tête de la chancellerie haïtienne est un jeu dangereux. Probablement, s’est il placé dans cette position pour récupérer l’argent investi dans son poulain lors des élections présidentielles ? L’avenir dira le reste !
Pour écrire ce papier, je me suis entretenu avec un vétéran de la diplomatie haïtienne. Pour lui, aujourd’hui la diplomatie haïtienne n’existe pas. On a tout simplement une bande d’affairistes et de coquins qui ont kidnappé la chancellerie haïtienne. Parlant de Laurent Lamothe, il dit : « qu’il n’a ni le look, ni les pas d’un diplomate ». Pour lui, nous vivons un période temporaire d’une grande pitié internationale due au tremblement de terre qui ravagea le pays en 2010. Cette période terminera bientôt, la real politique internationale resurgira. Ajouter a tout cela, il y a la dure réalité de l’économie mondiale. Ce diplomate pense que les accapareurs gagneront gros, mais la tradition dessalinienne de la diplomatie haïtienne souffrira pendant des années.
Ces « rookies » de la politique ignorent la réalité internationale dans laquelle vit le pays. Haïti est un état toujours en guerre depuis la proclamation de l’indépendance, il y a 208 ans. Ils négligent les balises léguées par les pères fondateurs de la nation. « Le pays de Jean Jacques Dessalines et d’Alexandre Pétion doit être du cote des faibles et des persécutés ». Donc, nous sommes hérité d’une mission sacrée. L’abandonner c’est nous aliéner, c’est disparaître. Il n’y a pas de miracles en histoire. Il y a un destin irréversible. On peut le ralentir, mais jamais l’arrêter. Ce discours est trop compliqué pour les assoiffés de richesses matérielles faciles. Ils couvrent le roi d’un manteau de mendiant, et ses pas restent ceux d’un souverain. Haïti survivra !
La stratégie de la diplomatie des affaires de Lamothe est simple, embrigader des investisseurs en Haïti. Par contre, il n’a rien offert en termes de substance, si ce n’est l’avantage que procure la loi HOPE a faciliter l’entrée au marché américain. Qu’en est il de nos artisanats, notre peinture primitive/naïve, nos plages, nos arts plastiques etc. ?
Les multiples voyages à l’étranger des membres de l’exécutif exaspèrent plus d’un dans le pays. Cette « diplomatie d’affaires » mal conceptualisée et structuree fait tourner la tête dans le pays. Des interrogations pleuvent sur les réelles intentions de Laurent Lamothe. N’est-t-il pas entrain de promouvoir lui-même en guise d’Haïti. Le voyage a Davos était il nécessaire, quand il a coûté plus de 3 millions de dollars aux haïtiens. De toute évidence, Laurent Lamothe n’est pas l’homme de la situation, lorsqu’il pense pouvoir tout transformer en marchandises. Y compris l’âme précieuse d’Haïti. Peut être c’est le temps de demander a l’équipe dirigeante de cesser toutes activités et de remettre les clés.


Joël Léon