Sunday, May 18, 2014

«Le Tribunal pénal international est un outil politique utilisé contre les pays faibles»

«Le Tribunal pénal international est un outil politique utilisé contre les pays faibles»

Global Research, avril 26, 2014
Algeriepatriotique : Vous avez été témoin des attentats du 11 septembre à New York, croyez-vous à la version officielle ou s’agissait-il d’un «inside job» pour reprendre un terme des agents secrets ?
John Catalinotto : Je travaillais pour une compagnie d’assurance maladie à la tour n°1 du World Trade Center. Heureusement pour moi, j’avais l’habitude d’arriver tard au travail. Ce jour-là, j’étais toujours à la maison quand le premier avion a frappé. J’ai appelé le bureau et comme personne ne répondait, je suis resté chez moi. Quelques minutes plus tard, j’ai appris qu’un deuxième avion s’était abattu sur la tour n°2. J’ai su immédiatement que l’administration de George W. Bush allait utiliser cet événement comme prétexte pour partir en guerre, peu importe qui était responsable de ces attentats. Je n’ai jamais cru dans la version officielle. Ici, la classe dirigeante ment à propos de tout ce qui est important. Cependant, je ne crois pas que l’administration ait organisé et exécuté l’attaque du 11 septembre. Une conspiration d’une envergure aussi vaste requiert la complète unité, la loyauté, l’esprit de décision et l’audace de la part de dizaines, sinon de centaines de personnes. Si, par ailleurs, «inside job» signifie simplement que quelqu’un à la CIA a délibérément omis de donner suite à un rapport du FBI annonçant que certains «terroristes» pourraient détourner un avion, c’est plus facile à croire. Je peux comprendre pourquoi beaucoup de gens sont convaincus qu’il s’agissait d’un «inside job». L’attaque du 11 septembre a permis à l’administration Bush de partir en guerre en Afghanistan et en Irak. C’était similaire à l’attaque japonaise de Pearl Harbor en 1941, qui a permis à l’administration Roosevelt d’entrer dans la Seconde Guerre mondiale avec un soutien massif. Le syndrome dit «du Vietnam» avait pratiquement éliminé le patriotisme, le 11 septembre l’a ramené.
L’administration Bush est partie en guerre en Afghanistan et en Irak, pensez-vous que c’était un programme préparé à l’avance ?
Le Pentagone planifie toutes sortes de guerres dans toutes les parties du monde à l’avance. En ce qui concerne l’Irak, il y a eu certainement une conspiration. L’impérialisme américain voulait les ressources énergétiques irakiennes. Beaucoup de personnes et de sociétés d’ici espéraient s’enrichir avec le pillage de l’Irak. Les néoconservateurs de l’administration Bush se sont rencontrés dans la semaine du 11 septembre 2001 et ont comploté la guerre contre l’Irak, même s’ils savaient que celui-ci n’avait rien à voir avec l’attentat du 11 septembre. Les Etats-Unis avaient déjà mené une guerre agressive contre l’Irak en 1991. L’administration Clinton avait presque commencé une autre guerre en décembre 1998 avec «Renard du désert». La guerre d’Irak a toujours été dans l’agenda de Bush, comme l’a révélé le secrétaire au Trésor Paul O’Neill dans un livre de Ron Suskind, un ancien journaliste du Wall Street Journal. L’administration Bush était relativement faible avant le 11 septembre. Elle a saisi l’opportunité créée par les attentats et a mobilisé pour la guerre. Bush a mis en place toutes sortes de lois dans le cadre du Patriot Act qui réprimaient toute opposition à leurs plans. Bush et le secrétaire d’Etat Colin Powell et d’autres ont répété les mêmes mensonges 935 fois fin 2002 et en 2003 au sujet des «armes de destruction massive» irakiennes qui n’existaient pas. Ce «Grand Mensonge» était destiné à convaincre le monde que les Etats-Unis avaient une bonne raison d’attaquer. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont procédé à l’invasion de l’Irak sans l’aval des Nations unies ou même de l’Otan le 20 mars 2003. Cependant, tant en Irak qu’en Afghanistan, Washington a sous-estimé la résistance populaire. Après l’effondrement initial, une résistance irakienne s’est développée et a infligé des pertes aux occupants américains. C’est seulement en utilisant les différences entre les Irakiens que Washington pouvait empêcher une défaite humiliante. Les Etats-Unis ont causé une grande destruction et de nombreuses pertes de vie pendant huit ans, avec 2 millions de morts et 5 millions de personnes déplacées. Et l’Otan occupe toujours l’Afghanistan après 12 ans.
Pourquoi ne juge-t-on pas Bush et Blair au TPI pour crimes de guerre, au lieu de juger seulement les présidents africains ?
Le Tribunal pénal international, comme presque tous les organismes des Nations unies, est sous le contrôle de l’impérialisme mondial. Les versions précédentes du tribunal ont été utilisées contre des pays particuliers : le Rwanda, la Yougoslavie, le Cambodge. Plus tard, le TPI a été principalement un outil politique utilisé contre des leaders de pays relativement faibles concentrés en Afrique. Nous, c’est-à-dire des organisations populaires, avons tenu «des tribunaux de crimes de guerre», ceux-ci ont prouvé la culpabilité de Blair, Bush et de leurs généraux en Irak. Malheureusement, nous sommes incapables de faire appliquer un seul de ces verdicts. Ils servent de voie pour exposer la vérité au sujet de la guerre au public. Nous ne voulons pas que les impérialistes soient les seuls à écrire l’Histoire.
Le mouvement anti-guerre est-il toujours aussi combatif aux Etats-Unis ?
Le mouvement anti-guerre était extrêmement combatif à la fin des années 1960 et au début des années 1970 contre l’intervention au Vietnam. Nous avions même organisé la résistance au sein de l’armée des Etats-Unis. Le mouvement anti-guerre était aussi sorti dans les rues pour essayer de stopper l’invasion de l’Irak début 2003. L’administration Bush a simplement ignoré des centaines de milliers d’opposants et a continué la guerre. Les camarades avec lesquels je travaille dans le Centre d’action internationale essaient toujours d’organiser et de mobiliser contre les aventures militaires américaines. En 2011, ils ont protesté contre l’attaque en Libye. En septembre 2013, ils sont sortis dans 100 villes contre la menace de Washington d’intervenir directement contre la Syrie. Juste ce mois de mars, nous sommes sortis dans 19 villes pour protester contre le complot des Etats-Unis avec des éléments fascistes au Venezuela et en Ukraine. La majorité de la population américaine est tenue dans l’ignorance des vraies causes de tous ces conflits. Le monopole des médias de la classe dirigeante contrôle 99% de la propagande. Pourtant les gens sont contre la guerre dans une large majorité. En ce qui concerne la Syrie, les sondages montrent qu’environ 90% de la population était opposée à la guerre. Ce serait une erreur, toutefois, de dire que les gens sont combatifs. Dans le passé, ils ne sont devenus combatifs que lorsque des milliers de jeunes Américains étaient en train de mourir dans une aventure impérialiste à l’autre bout du monde. Quand il y a peu de pertes, seuls se lèveront quelques-uns par conviction anti-impérialiste ou morale. Cependant, il est encourageant de constater que certaines personnes comme Snowden ou Manning peuvent faire de grands sacrifices pour se rebeller contre les atrocités commises par les dirigeants.
Comment expliquez-vous le changement radical de la position américaine dans le dossier iranien ?
Je ne suis pas sûr que cela ait beaucoup changé. Il y a encore de fortes factions dans la classe dirigeante des Etats-Unis qui veulent une frappe militaire contre l’Iran, par exemple, le sénateur John McCain. C’est le cas aussi du gouvernement israélien. D’autres espèrent apporter des changements au sein du gouvernement iranien pour qu’il soit plus conciliant envers la domination américaine de la région, cela semble être la position actuelle de l’administration. Depuis la fin de l’URSS en 1991, l’impérialisme américain ne tolère aucune concurrence, aucune indépendance des autres Etats dans aucune région du monde. L’Iran est assez grand et souverain pour défier les Etats-Unis, et Washington essaie d’écraser tous ceux qui défient les Etats-Unis. Si les Etats-Unis ont reculé, c’est uniquement parce que Washington est impliqué dans de trop nombreux autres combats, allant de l’Ukraine au «pivot pour l’Asie».
Peut-on dire que la CIA a changé ses méthodes quand on voit ce qu’il se passe en Ukraine et au Venezuela ?
La CIA a pour tâche nominale la collecte d’informations. Le gouvernement américain utilise ces informations pour influencer et faire pression sur des gouvernements afin qu’ils agissent dans l’intérêt des banques, des industries américaines et du Pentagone. La CIA effectue aussi des actions : par exemple, les guerres de drones. En outre, en partenariat avec d’autres agences – la NED, des ONG, etc. –, elle intervient à tous les niveaux pour mobiliser l’opposition afin que les gouvernements suivent la voie de Washington. Au Venezuela, toutes ces agences américaines trouvent des moyens pour financer l’opposition vénézuélienne aux Bolivariens, au PSUV et à Nicolas Maduro. La CIA et d’autres ont même encouragé des éléments quasi fascistes à sortir dans la rue avec des barrages de feu et à tuer des gens. Ensuite, les médias pro-impérialistes mentent à propos des événements et accusent «la répression de Maduro» d’être responsable des pertes humaines. C’est un grand mensonge. En Ukraine, les Etats-Unis et l’Union européenne ont tiré profit des faiblesses du gouvernement d’Ianoukovytch. Les impérialistes ont apporté leur soutien à des oligarques corrompus qui voulaient remettre l’Ukraine entre les mains de l’impérialisme occidental et déplacer l’Otan le long de la frontière sud-ouest de la Russie. En outre, les Etats-Unis et l’Union européenne ont soutenu l’entrée de partis ouvertement fascistes dans le gouvernement de Kiev. Des leaders fascistes ont pris le contrôle de la police, de l’armée et de l’appareil de sécurité. Suite aux auditions en 1975 du comité sénatorial dirigé par le sénateur Frank Church, la CIA avait renoncé à certaines de ses activités, ou du moins, c’est ce que l’on nous a dit. Depuis le 11 septembre, la CIA est devenue de plus en plus agressive, elle et d’autres agences américaines essaient de renverser des gouvernements dans le monde entier.
Qu’est-ce que vous inspire l’Algérie et que pouvez-vous dire au peuple algérien, vous le militant anti-impérialiste ?
L’Algérie a une histoire de résistance à la domination coloniale française depuis les premières attaques en 1830. Les populations de la campagne, du désert et des montagnesse sont battues durement contre les militaires français. Seules les mesures les plus cruelles – comme des villages entiers brûlés – ont pu vaincre cette résistance. Quand a commencé la plus récente guerre de libération, en 1954, il y a eu huit autres années de résistance. Plus d’un million sur les six millions d’Algériens sont morts dans la guerre de libération. Pourtant, la résistance a été héroïque et efficace, elle a épuisé l’impérialisme jusqu’à ce que le gouvernement de de Gaulle accepte de partir. Comme les luttes en Corée, en Chine, au Vietnam, à Cuba et ailleurs, la lutte algérienne pour l’indépendance était une inspiration pour des révolutionnaires aux Etats-Unis. Le rôle des femmes dans cette lutte était éclairant. Dans les premières années, l’Algérie libre a eu un grand impact, particulièrement sur la lutte noire de libération aux Etats-Unis. Les Algériens – l’Arabe et le Berbère, le laïc et le religieux – ont le droit d’être fiers de leur histoire de résistance à l’impérialisme qui est une contribution pour toute l’humanité.
Vous êtes membre du Tribunal BRussell’s qui inclut des personnalités comme le Dr Mahathir, ancien Premier ministre de Malaisie, Noam Chomsky, Edward S. Herman, William Blum, David Swanson et beaucoup d’autres. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le Tribunal BRussell’s ?
Le Tribunal Brussell’s tire son inspiration du Tribunal Bertrand Russell de 1967 qui avait trouvé que les Etats-Unis étaient coupables de crimes de guerre contre le Vietnam. Des camarades en Belgique ont commencé le Tribunal Brussell’s en 2003 suite à l’invasion de l’Irak. Le TB a tenu des sessions sur les procès de guerre de Bush et Blair au printemps 2004. Nous avons participé avec le Centre d’action internationale. Ensuite, nous avons tenu une session aux Etats-Unis en août 2004 et nous avons apporté notre soutien au TB, comme l’ont fait d’autres organisations semblables dans d’autres pays. Cette année même, les 16 et 17 avril, le Tribunal Brussell’s et d’autres vont tenir une réunion à Bruxelles dans le cadre de l’Association internationale des juristes démocrates pour explorer les manières légales permettant des poursuites judiciaires à l’encontre des gouvernements américain et britannique pour leur agression contre l’Irak. Le TB veut chercher les moyens d’obtenir une indemnisation pour les victimes. Le TB a maintenu le travail de solidarité avec la résistance irakienne à l’impérialisme. Il a aussi élargi son opposition à l’impérialisme dans d’autres parties du Moyen-Orient et à l’agression de l’Otan. Je suis fier d’en être membre.
A votre avis, le monde arabo-musulman est-il condamné à souffrir perpétuellement des guerres impérialistes américaines et occidentales ?
A partir de 1945, l’Union Soviétique était la force la plus puissante face à l’impérialisme américain. Dans les 23 années qui ont suivi l’effondrement de l’Union Soviétique, le monde impérialiste, mené par les Etats-Unis, a tenté de conquérir les nations qui ont gagné leur indépendance à l’impérialisme à l’époque de la guerre froide. C’est ce qui est arrivé en Yougoslavie, en Irak, en Afghanistan et en Libye. Le Venezuela, la Syrie et l’Ukraine sont sous attaque. Le monde arabo-musulman est assis au sommet d’énormes ressources pétrolières, comme le Venezuela et il constitue une cible particulièrement attractive pour l’impérialisme, mais pas la cible exclusive. La Corée du Nord, le Venezuela, et même la Chine et la Russie font face à des menaces. Toute l’Afrique est aujourd’hui menacée par des expéditions militaires américaines et françaises, et l’Amérique latine fait face à la subversion à tous les niveaux. Le monde impérialiste est confronté à une crise économique profonde et insoluble, et cette crise le pousse vers plus d’aventures militaires. Dans ces circonstances, il serait idiot de ma part de suggérer qu’il puisse y avoir un avenir paisible dans le monde arabo-musulman ou n’importe où ailleurs. Ce que nous, aux Etats-Unis, qui nous considérons nous-mêmes comme des révolutionnaires, espérons, c’est que la lutte des classes se développe au sein des Etats-Unis et que de plus en plus de travailleurs rejoignent cette lutte. La crise capitaliste les pousse à résister. Si cette lutte se développe, alors nous pourrons garder les dirigeants suffisamment occupés à la maison pour qu’ils ne risquent pas de nouvelles aventures à l’étranger. Nous apporterions ainsi une contribution digne d’intérêt à l’humanité.
Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen
Qui est John Catalinotto ? 
John Catalinotto est né à New York, où il enseigne les mathématiques à la City University. Anti-impérialiste engagé depuis la crise des missiles de Cuba en octobre 1962, il a milité de 1967 à 1971 comme organisateur civil anti-guerre et antiraciste au sein de l’American Servicemen’s Union contre la guerre au Vietnam. Membre de l’International Action Centers (IAC) fondé en 1991 par Ramsey Clark, militant des droits de l’homme et ancien ministre de la Justice, il est depuis 1999 porte-parole de l’IAC dans les conférences internationales. Il a collaboré de 2001 à 2004 à l’Answer Coalition fondée en 2001 pour contrer la propagande belliciste après les attentats du 11/9. Il a été un militant du Comité de soutien pour la libération du Moyen-Orient, a apporté son soutien à la coordination internationale des opposants à la guerre en Irak, et depuis 1982 est le rédacteur en chef du journal hebdomadaire Workers World. Il a été l’un des principaux organisateurs du Centre d’action internationale du tribunal sur la Yougoslavie (en juin 2000) et du Tribunal sur l’Irak (août 2004). Il collabore avec odiaro.info (Portugal) et Terra e Tempo (Galicie), il est membre des traducteurs Tlaxcala et du Tribunal BRussell’s. Il a publié deux livres, Metal of Dishonor au sujet de l’uranium appauvri (1997) et Hidden Agenda : the US – NATO Takeover of Yugoslavia (2002).

Une guerre froide Occident-Russie : Dernier arrêt avant la fin d’un monde unipolaire

Une guerre froide Occident-Russie : Dernier arrêt avant la fin d’un monde unipolaire

Global Research, avril 26, 2014
« Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent »
Jean Paul Sartre

Cela fait plus de quatre mois que l’Ukraine fait l’objet de la sollicitude occidentale. Tout a été fait pour la déstabiliser. Souvenons-nous de la stratégie de Victoria Nuland et de son appréciation du poids réel des Européens dans la mise en place d’un gouvernement ukrainien aux ordres des Etats-Unis. L’histoire semble s’accélérer, après le retour de la Crimée dans le giron naturel de la Russie, plusieurs provinces de l’Est ukrainien craignant des représailles du gouvernement central ukrainien en majorité composé par des extrémistes, s’en remettent au grand frère russe pour leur protection. Justement, la position de la Russie qui ne veut pas voir l’Otan à ses frontières- organisation qui aurait du être dissoute après la dissolution du Pacte de Varsovie- est de conférer de larges prérogatives aux régions est de l’Ukraine dans le cadre d’un fédéralisme. C’est en tout cas l’esprit de l’accord de Genève. Il y eut pourtant des revirements. Kiev sans doute bien conseillé répugne, par ailleurs créant une nouvelle terminologie, elle traite les ukrainiens de l’Est, de terroristes.
Après que le pouvoir de Kiev a annoncé la reprise des opérations militaires dans l’Est,  le président américain Barack Obama, en visite au Japon jeudi 24 avril, a encore un peu plus enterré l’accord de « désescalade » signé le 17 avril. « Jusqu’à présent, nous ne les avons pas vus respecter ni l’esprit ni la lettre de l’accord de Genève », a-t-il déploré à propos de la Russie, ajoutant que si la situation ne s’améliorait pas, il y aurait « des conséquences et de nouvelles sanctions ». Sergueï Lavrov, accusant les Etats-Unis et l’Union européenne de fomenter une révolution.« Peu d’analystes sérieux doutent du fait qu’il ne s’agit pas du destin de l’Ukraine, on a simplement utilisé et on continue d’utiliser l’Ukraine comme un pion dans le jeu géopolitique », a-t-il déclaré. (1)
« Dans un entretien à Russia Today, mercredi, Sergueï Lavrov a de nouveau affirmé que la Russie était prête à intervenir si ses intérêts étaient menacés, « comme ils l’avaient été en Ossétie du Sud », région séparatiste de Géorgie pour laquelle Moscou était entré en guerre en 2008. « Une attaque contre les citoyens russes est une attaque contre la Russie », a justifié le ministre des affaires étrangères, qui a précisé qu’en cas d’intervention russe celle-ci se ferait « dans le respect du droit international ».(1)
Les Américains accusent les Russes d’ingérence. Le Guardian est sceptique  « Tout gouvernement américain devrait être prudent en présentant des photographies comme des preuves, un peu plus d’une décennie après que Colin Powell a exhibé des images montrant de façon erronée des armes de destruction massives en Irak » écrit le Guardian mardi 22 avril.
Deux jours après leur publication, le quotidien britannique s’est penché avec circonspection sur les images dévoilées par le département d’Etat américain et présentées comme des preuves que les séparatistes armés dans l’est de l’Ukraine sont en fait des militaires ou officiers de renseignement russes. (…)La BBC s’est, elle aussi, saisie des « preuves » avec des pincettes. « Il ressort de ces images qu’au moins une unité de paramilitaires prorusses lourdement armés et bien équipés opère dans la région de Donetsk, conclut la BBC. Mais il ne peut pas être affirmé avec certitude que ce sont des forces spéciales russes, à proprement parler, comme le font les Ukrainiens.(2)
La stratégie étasunienne de containment de la Russie
En fait tout est fait pour déstabiliser la Russie. Les manœuvres de créer un printemps russe ayant échoué, on essaie de dépouiller la Russie de sa sphère d’influence. Il se trouve qu’il y an face un dirigeant qui ne veut pas se laisser faire et qui l’a montré en apparaissant comme un faiseur de paix  aux yeux de la  vraie communauté internationale pas « l’occidentale formatée » à longueur d’information par une vision diabolisante de la Russie et en règle générale de tout ce qui n’accepte pas le magister dixit occidentale. Souvenons nous C’est Poutine qui a arrêté le bras meurtrier occidental concernant l’attaque de l’Iran et plus récemment contre la Syrie
Joaquim Defghi  écrit à ce sujet : «   Alors que nous assistons à une guerre médiatique sans précédent, où les mensonges succèdent à la désinformation, le New-York Times a publié dimanche 20 avril un article qui dévoile clairement la stratégie d’Obama consistant à isoler Poutine sur le long-terme. Des indices sur les motivations réelles de cette stratégie y apparaissent également. M. Obama se concentre sur l’isolation du président de la Russie Vladimir Poutine en coupant ses liens économiques et politiques avec le monde extérieur, en limitant ses ambitions expansionnistes à son propre voisinage et en faisant effectivement un Etat paria ». (…) Comment être plus clair quant aux intentions du président américain ? Par contre, il n’est pas fait mention des racines du problème avec la Russie. Pourquoi donc les étasuniens souhaitent-ils tant isoler Vladimir Poutine ? Serait-ce parce que la Russie représente un danger militaire réel ? Si oui lequel ? Il n’y a à aujourd’hui pas la moindre preuve d’une volonté agressive de la Russie, si ce n’est celle de ne pas perdre l’influence qu’elle avait en Ukraine, une influence qui lui a été subtilisée par la force au moment du coup d’Etat de Kiev ».(3)
« (…) Cela représente un remarquable revirement comparé au début de la présidence de M. Obama, quand il nourrissait des rêves de forger un nouveau partenariat avec la Russie. Dorénavant, la question est dans quelle mesure la relation peut être sauvée. M. Obama a aidé la Russie à obtenir son entrée à l’OMC ; maintenant, il travaille à limiter son accès aux marchés financiers externes . L’article mentionne en conclusion que l’administration d’Obama réfléchit à une éventuelle confrontation avec la Russie Ce qui est formidable, c’est qu’aucun motif réel et sérieux, de même que pour la guerre en Irak, n’a été avancé pour isoler la Russie. Tout simplement parce qu’il n’en existe aucun en-dehors des intérêts étasuniens (commerce,  pétrole et gaz ) » (3)
Sanctions contre la Russie : Un coup d’épée dans l’eau
Dans une contribution du 31 mars  Pepe Escobar énumère les sanctions occidentales et celles potentielles que pourraient prendre Poutine : « L’Europe a  annulé le sommet Europe-Russie prévu à Sotchi le 3 juin.  L’Europe est divisée de façon irréparable sur ce qu’il convient de faire. Quoiqu’ils fassent pourtant, la capacité de Moscou à punir est plus grande. Il y aura peut-être un autre lot de sanctions douces comme l’a annoncé Merkel, mais c’est tout. Les Européens comme le font les caniches, imitent la « Voix de son Maitre » quand le Président des Etats-Unis Barak Obama impose solennellement par ordre exécutif davantage de sanctions contre « de hauts fonctionnaires du gouvernement russe ».   Plus de 60% des américains et des européen s’opposent à une nouvelle guerre froide contre la Russie. Le taux de popularité de Poutine en Russie et de près 75 % et il en est probablement de même dans tout le monde en développement. (…) Comme c’était prévisible, Moscou a rendu le coup. Le Ministère de Relations Extérieures Russe à indiqué de façon répétée que l’utilisation de sanctions est une « arme à double tranchant » et que cela aura un effet boomerang sur les Etats-Unis. (4)
Comment battre la Russie : l’argument gaz de schiste ?
Pour sa part Naomi Klein nous explique la fausse bonne solution présentée par les Américains aux Européens. Nous l’écoutons : «  Du changement climatique à la Crimée, la suprématie de l’industrie du gaz naturel pour exploiter la crise à des fins mercantiles et privées- ce que j’appelle la doctrine du choc . La façon de battre Vladimir Poutine est d’inonder le marché européen avec du gaz naturel extrait par fracturation hydraulique (ndt « gaz de schiste ») aux Etats-Unis, ou tout du moins c’est ce que l’industrie souhaite nous faire croire. Dans le cadre de l’escalade de l’hystérie anti-russe, deux projets de loi ont été introduits au Congrès américain – l’un à la Chambre des Représentants, l’autre au Sénat – une tentative d’accélérer les exportations de gaz naturel liquéfié ( GNL), tout ceci au prétexte d’aider à l’Europe à se sevrer des combustibles fossiles de Poutine, et pour le renforcement de la sécurité nationale des États-Unis.
« Pour que ce stratagème fonctionne poursuit Naomi Klein, il est important de ne pas regarder de trop près les détails. Il s’agit notamment du fait que la majeure partie de ce gaz ne rejoindra probablement pas à l’Europe – puisque cette proposition de loi permet la commercialisation de ce gaz sur le marché mondial à n’importe quel pays membre de l’Organisation mondiale du commerce. (…) Et maintenant, soudainement et sournoisement, l’objectif devient la «sécurité énergétique», qui semble signifier la vente d’une surabondance temporaire de gaz de schiste sur le marché mondial, générant la dépendance énergétique dans ces pays étranger.(…) . Au moment où ces gigantesques projets industriels seront effectivement en place et en état de fonctionnement, l’Allemagne et la Russie pourraient bien être devenus les meilleurs amis. Mais d’ici là, qui se souviendra que la crise en Crimée a été le prétexte pris par l’industrie du gaz pour accomplir ses vieux rêves d’exportation, quelles que soient les conséquences pour les populations touchées par la fracturation hydraulique et alors que la planète est en train de cuire ».(5)
« Depuis quatre ans, le lobby du gaz a utilisé la crise économique en Europe pour dire aux pays comme la Grèce que le moyen de sortir de la dette et du désespoir est d’ouvrir leurs belles et fragiles mers aux forages. Et il a utilisé le même type d’argumentaire que celui destiné à faire passer la fracturation hydraulique aux Amérique du Nord et au Royaume-Uni. Pour le moment, la crise, c’est le conflit en Ukraine. Elle est utilisée comme un bélier pour abattre des restrictions portant sur les exportations de gaz naturel et pour pousser l’accord controversé de libre-échange avec l’Europe. Et rappelez-vous: vous ne construisez pas des infrastructures de plusieurs milliards de dollars, sauf si vous prévoyez de les utiliser pendant au moins 40 ans. Donc, nous répondons à la crise de notre réchauffement de la planète en construisant un réseau ultra-puissant de fours atmosphériques. Sommes-nous fous? »(5)
Dès 1981, l’industrie du gaz elle-même avait développé le concept intelligent du gaz naturel comme «pont» vers un avenir d’énergies propres. C’était il y a 33 ans. C’est un long pont! Et on n’aperçoit toujours pas l’autre rive. (…) L’utilisation de la crise en Ukraine par l’industrie pour étendre son marché mondial sous la bannière de la «sécurité énergétique» doit être replacée dans le contexte d’une série ininterrompue de crises opportunes. Seulement, cette fois, bien plus d’entre nous savent où se trouve la véritable sécurité énergétique.  (…) Compte tenu de cela, c’est aux Européens de transformer leur désir d’émancipation du gaz russe par une demande pour une transition accélérée vers les énergies renouvelables. (5)
A Washington, Poutine les rend fous.
Pour Pepe Escobar, la détermination de Poutine : «  les rend fous » : « Oubliez le passé (Saddam Hussein, Oussama ben Laden, Kadhafi) et le présent (Bachar al-Assad, Ahmadineyad). Vous pouvez parier  sur le futur prévisible, sur le fait que le plus grand démon aux yeux de Washington — et de ses associés de l’OTAN et de leurs divers comparses des médias — ce ne sera personne d’autre que le président russe Vladimir Poutine, de retour vers le futur.   Les élites anglo-étatsuniennes sont encore toute saisies d’épouvante au souvenir de son légendaire discours de 2007, à Munich, dans lequel il critiqua le gouvernement de George W Bush pour son projet impérial, obsessionnellement unipolaire, « au moyen d’un système qui n’a rien de commun avec la démocratie » et pour son viol permanent des « frontières nationales presque partout dans le monde ».(…) Poutine avait même rendu publique sa feuille de route. L’essentiel : non à la guerre en Syrie ; non à la guerre en Iran ; non aux « bombardements humanitaires » et aux « révolutions de couleur  », et tout cela intégré dans un nouveau concept : « Instruments illégaux du pouvoir soft ». Pour Poutine, le Nouvel Ordre Mondial conçu par Washington n’a pas d’avenir. Ce qui compte c’est« le principe consacré de la souveraineté des États ».(6)
Pepe Escobar nous décrit un Poutine obsédé par la nécessité de réhabiliter la Grande Russie : « Poutine a pris la tête, presque en solitaire, de la résurrection de la Russie en tant que méga grande puissance énergétique Par conséquent, on peut compter que le Gazoduquistan continuera à être la clé. Poutine sait que la Russie aurait besoin de beaucoup d’investissements étrangers dans l’Arctique — dans la partie occidentale et surtout dans la partie asiatique — pour maintenir sa production de pétrole de plus de 10 millions de barils/jour. Et il lui faut parvenir à un complexe et exhaustif accord portant sur des milliards de dollars avec la Chine concernant les gisements de gaz de la Sibérie Orientale  (…)  Poutine sait que pour la Chine — comme moyen d’assurer son énergie — cet accord est une parade vitale contre le ténébreux « changement de cap » de Washington en direction de l’Asie.
L’argument de poids est l’énergie : « Poutine fera aussi tout pour consolider le gazoduc South Stream(…)  Si South Stream l’emporte, son concurrent, le gazoduc Nabucco, sera mis échec et mat ; importante victoire russe contre la pression de Washington et contre les bureaucrates de Bruxelles. (…) Et puis, nous avons ensuite la grande inconnue, l’Organisation de Coopération de Shanghaï (SCO). Poutine voudra que le Pakistan en soit membre de plein droit tout comme la Chine, elle, est intéressée à y incorporer l’Iran. Les répercussions seraient transcendantes, comme si la Russie, la Chine, le Pakistan et l’Iran coordonnaient, non seulement leur intégration économique, mais aussi leur sécurité mutuelle au sein d’une SCO renforcée dont la devise est « non-alignement, non-confrontation et non-ingérence dans les affaires des autres nations ».
Le dernier argument et non des moindre est celui  de « perturber le dollar : « Poutine voit que le contrôle par la Russie, l’Asie Centrale et l’Iran d’au moins 50 % des réserves de gaz du monde et avec l’Iran et le Pakistan comme membres virtuels de la SCO, le nom du jeu devient intégration de l’Asie, sinon de l’Eurasie. La SCO se développe comme une force motrice économique et de sécurité tandis que, parallèlement, le Gazoduquistan accélère l’intégration pleine de la SCO comme parade à l’OTAN.(…) Il sera le diable de prédilection parce qu’il ne saurait y avoir d’opposant plus formidable aux plans de Washington sur la scène mondiale, que ces plans s’appellent Grand Moyen-Orient, Nouvelle Route de la Soie, Domination de Spectre Complet ou Siècle du Pacifique des États-Unis d’Amérique. Messieurs-Dames, préparons-nous au grand choc. (6)
Chronologie des interventions américaines dans le monde
Il est incorrect de présenter les Etats-Unis comme un pays paisible voulant apporter la paix la démocratie au monde au nom d’un magister moral. Pour les conflits récents on retiendra la démocratie aéroportée en Irak plus d’un million de morts après un embargo inhumain qui aurait fait plus de 500.00 morts parmi les enfants. Mais semble-t-il ce n’est pas cher payé si c’est le prix  pour faire partir Saddam  Hussein aurait dit madeleine  Albright , la secrétaire d’Etat de l’ère Clinton. Saddam Hussein a été pendu, Kadhafi  a été lynché…
Une chronologie non-exhaustive des différentes interventions impérialistes des États-Unis dans le monde depuis le Manifest Destiny de 1845. Une idéologie de colonisation, sous la présidence de James Polk, selon laquelle les États-Unis ont pour mission divine d’apporter la démocratie et la civilisation vers l’Ouest, sur les terres amérindiennes. Au début du XXème siècle, le président Théodore Roosevelt a repris le concept « Je crois que Dieu a présidé à la naissance de cette nation et que nous sommes choisis pour montrer la voie aux nations du monde dans leur marche sur les sentiers de la liberté. » (7)
Tout démarre en 1846 avec l’attaque du Mexique , les États-Unis s’emparent de la moitié du territoire mexicain. Ce territoire conquis s’appelle aujourd’hui : la Californie, le Nevada, l’Utah, l’Arizona, le Nouveau-Mexique, le Colorado (en partie). Tout les pays sud américains n’échappent pas à l’emprise américaine , c’est ainsi que des base américaines sont installées partout à partir de 1898 (Cuba, Porto Rico, Hawaii Guam)
La première guerre mondiale donne une visibilité européenne à l’empire américain. Puis  ce fut la deuxième guerre mondiale avec l’occupation de l’Allemagne et du Japon ; la politique de la guerre froide donne encore plus de poids à l’empire face aux soviétiques Puis ce fut parallèlement l’occupation du Moyen Orient. Les bases américaines sont adossées aux puits de pétrole. Puis ce fut l’occupation des Philippines (23 bases)  puis de la Corée coupée en deux   De 1961 à 1972 :le drame du Vietnam. Pendant 11 ans, les États-Unis, prenant le relais de l’armée française, utilisent tout leur arsenal militaire y compris des armes chimiques pour venir à bout d’un mouvement révolutionnaire nationaliste d’indépendance. La plus longue guerre dans laquelle se sont embarqués les États-Unis causera la mort de plus d’un million de combattants vietnamiens, quatre millions de civils et près de 60000 soldats américains. Des dizaines d’intervention américaine pour arriver au  11 septembre 2001 : Début de la Guerre contre le Terrorisme. 2001 à nos jours : Afghanistan. 2002 : Irak, Iran et Corée du Nord.  2009-2010 : Yémen. (7)
Poutine joue sa partie d’échecs, et défend les intérêts de la Russie et des Russes.   Quand à isoler la Russie du commerce international,   Dans un  contexte de déclin global notamment des  gisements norvégiens ne cessent, pour l’Europe se passer de la Russie reviendra à se préparer à des pénuries majeures de tout ordre,  L’Europe a à perdre à s’éloigner de la Russie, tout à gagner à s’en rapprocher
La visite du vice-président américain en Ukraine et l’annonce de l’envoi de 600 soldats américains en Pologne et dans les pays Baltes n’est pas fait pour contribuer à l’apaisement   Poutine joue sa partie d’échecs, et défend les intérêts de la Russie et des Russes.   Quand à isoler la Russie du commerce international,  dans un  contexte de déclin global notamment des  gisements norvégiens ne cessent, pour l’Europe se passer de la Russie reviendra à se préparer à des pénuries majeures de tout ordre. L’Europe a à perdre à s’éloigner de la Russie, tout à gagner à s’en rapprocher  Si la guerre froide s’installe de nouveaux ce sera le sauve qui peut pour les Européens.. La fin du monde unipolaire est proche. Elle sera irréversible, le barycentre du monde a échappé à l’Occident qui en est aux combats d’arrière garde au lieu d’opter pour la sérénité du monde.
Professeur Chems  Eddine Chitour
Ecole Polytechnique  Alger enp-edu.dz




LE FMI OU L'ASPHYXIE DU CHOIX UNIQUE

Le FMI ou l’asphyxie du choix unique

Global Research, avril 27, 2014
Au cours de cette série, l’histoire tumultueuse du FMI en Ukraine est décryptée depuis le déclenchement de la crise de 2007/2008 jusqu’à aujourd’hui, avec une attention particulière sur la période post-insurrectionnelle de 2014. Le plan d’endettement approuvé au forceps par le gouvernement non élu à l’issue du mouvement révolutionnaire est une aubaine pour l’institution et lui permet de renforcer ses recettes capitalistes dans l’ancienne Union soviétique.
Le nouveau gouvernement de Iatseniouk, une aubaine pour le FMI
Les événements insurrectionnels survenus en Ukraine en février 2014, offrent une opportunité rêvée pour le FMI de reprendre la mainmise sur la politique ukrainienne, afin d’imposer à la population ses politiques directement issues du « consensus de Washington » (qui désigne la thérapie de choc appliquée à l’ensemble des pays du Sud au lendemain de la crise de la dette du tiers-monde de 1982).
Pour l’actuel Premier ministre Arseni Iatseniouk, il n’existerait aucune alternative aux diktats du FMI. Déjà en octobre 2008, lorsqu’il était alors président du Parlement, Iatseniouk déclarait à propos du programme du FMI : « Nous n’avons pas le choix. Ce n’est pas une question de politique, c’est une question vitale pour l’activité du pays ». |1| Cinq ans et demi plus tard, en mars 2014, Iatseniouk, devenu Premier ministre du gouvernement transitoire, affirme à propos d’un imminent programme d’austérité du FMI : « Le gouvernement répondra à toutes les conditions fixées par le FMI, parce que nous n’avons pas d’autre choix. » |2|
Pressions diplomatiques et empressement du FMI pour de nouveaux prêts en échange de contre-réformes 
Le 21 février 2014, au lendemain des violents affrontements entre les manifestants et la police qui ont fait au moins soixante morts à Kiev, Standard & Poor’s abaisse à “CCC” (ultra spéculatif et proche du défaut de paiement) la note de la dette souveraine ukrainienne. L’agence de notation étasunienne craint que le pays ne puisse rembourser ses créanciers : le soutien financier de la Russie a été suspendu en janvier et l’Ukraine doit encore rembourser d’anciens crédits arrivant à échéance, dont ceux du FMI. Le 23 février, Christine Lagarde confirme, depuis Sydney où elle participe à une réunion des gouverneurs des banques centrales du G20, que l’organisation qu’elle préside est disposée à aider l’Ukraine si le pays en formule la demande. Dans la foulée, elle publie un communiqué commun avec le secrétaire au Trésor des États-Unis, Jack Lew, dans lequel ils estiment que « l’Ukraine a besoin d’un soutien à la fois multilatéral et bilatéral pour un programme de réformes ». Une fois de plus, le FMI unit sa voix à celle de son actionnaire majoritaire et montre à nouveau son déficit démocratique. Les 25 et 26 février, à la veille de l’installation du nouveau gouvernement, des délégués du département du Trésor étasunien et des conseillers économiques de la Maison blanche accompagnent le secrétaire d’État adjoint, William Burns, en Ukraine |3|. Compte tenu du fait que le président Viktor Ianoukovitch est en fuite (il quitte la capitale dans la nuit du 21 au 22 février) et que le nouveau gouvernement n’est pas encore formé, cet empressement du FMI et l’incessant ballet diplomatique étasunien constituent dès lors une ingérence flagrante dans les affaires d’État.
Le 27 février, le FMI indique avoir reçu, suite au vote du Parlement instituant un gouvernement de transition, une demande d’aide officielle de l’Ukraine. “Nous sommes prêts à y répondre”, s’est empressé sa directrice générale Christine Lagarde, avant de dépêcher une mission du Fonds conduite sur place dès le 4 mars par Nikolay Gueorguiev. |4| Le FMI répond ainsi à l’appel d’Arseni Iatseniouk, qui trois jour auparavant, avant même qu’il soit nommé premier ministre par intérim, avait déclaré, le 24 février : « Nous avons besoin d’une aide financière urgente de la part de nos partenaires européens et il faut reprendre immédiatement le programme de coopération avec le FMI ». |5| Iatseniouk estimait alors à 35 milliards de dollars (quelques 25 milliards d’euros) pour les deux prochaines années, les besoins de Kiev pour rembourser sa dette |6| et faire face à la crise profonde du pays au bord de la cessation de paiement |7|. Mais la somme nécessaire pourrait encore augmenter si on prend en compte les milliards de dollars que Iatseniouk soupçonne avoir été dérobés par l’ancien régime pour être mis sur des comptes off-shore. “Le trésor national a été pillé”, accuse t-il. Si tel est le cas, les Ukrainiens sont en droit de réclamer à la Suisse et aux autres pays complices (comme la City de Londres ou la France) qu’ils restituent à l’Ukraine les avoirs soi-disant gelés de l’ancien président en fuite et ceux d’autres hauts fonctionnaires responsables de détournements de fonds publics |8|.
Nouvellement investi Premier ministre, Arseni Iatseniouk se dit prêt à mettre en place des “mesures extraordinairement impopulaires” pour arriver à stabiliser les finances. « Les comptes publics sont vides, tout a été volé. Je ne promets pas d’amélioration, ni aujourd’hui ni demain ». |9| Nous voilà averti. Sa détermination est telle que, de retour de Kiev, le directeur du département Europe du FMI Reza Moghadam, affirmera après l’avoir rencontré : “Je suis positivement impressionné par la détermination des autorités, leur sens des responsabilités et leur engagement à un programme de réformes économiques et à la transparence”. |10| Le terrain serait-il mûr pour un plan d’austérité à la grecque ?
Jérome Duval
Partie 1

Notes

|1| “We have no choice. It is not a political issue, it is an issue of the country’s vital activity.” Yatsenyuk : Parliament will adopt unpopular conditions in exchange for IMF aid, Oct. 27, 2008.http://www.kyivpost.com/content/ukr…
|2| “The government will meet all the conditions set by the IMF, because we have no other choice,” Yatsenyuk said during a meeting with members of the European Business Association (EBA). Ukraine vows to meet IMF loan conditions, Xinhua, March 3, 2014 http://www.china.org.cn/world/Off_t…
|3| Reuters, 24 février 2014 : Des conseillers économiques avec William Burns en Ukraine.http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL6N0LT3FY20140224
|4| Initialement prévue jusqu’au 14 mars, la mission sera prolongée jusqu’au 21 mars puis jusqu’au 25 mars. Ukraine : Arseni Iatseniouk dirigera un “gouvernement de kamikazes”, La Tribune, 27/02/2014.http://www.latribune.fr/actualites/… IMF Sends Fact-Finding Team to Ukraine, IMF, 5 mars 2014.http://www.imf.org/external/pubs/ft…. Les dernières missions du FMI en Ukraine se sont déroulées en février, en avril et du 17 au 29 octobre 2013.
|5| Ukraine : le pro-européen Arseni Iatseniouk désigné pour le poste de Premier ministre, HuffigtonPost avec AFP, 26/02/2014. http://www.huffingtonpost.fr/2014/0…
|6| 13 milliards de dollars seraient nécessaire rien que pour cette année. Renaud Vivien, Ukraine la nouvelle proie du FMI, http://cadtm.org/Ukraine-la-nouvell…
|7| Le rendement des obligations arrivant à échéance en avril subissaient une ascension fulgurante à près de 44,8%. (AFP, le 3 mars 2014).
|8| D’après El País, daté du 6 mars 2014, les actifs de 18 fonctionnaires ukrainiens responsables de détournements de fonds publics auraient aussi été gelés. Lucia Abellán, Bruselas ofrece 11.000 millones a Ucrania para evitar la quiebra.
|9| Ukraine : Arseni Iatseniouk dirigera un “gouvernement de kamikazes, latribune.fr, 27/02/2014.http://www.latribune.fr/actualites/…
|10| Ukraine : Le FMI “impressionné” par la volonté des autorités, AFP, 07 mars 2014.http://www.lalibre.be/economie/actu…