Tuesday, May 5, 2020

           Cet article s’inscrit dans le cadre d’une étude délibérément tiers-mondiste. Sa conception et son développement établissent une approche indépendante et citoyenne libérée de tout prérequis ou dogme idéologique immuable. L’objectif de la démarche est de mettre en garde contre la formule très répandue de remplacer un empire par un autre. En réalité, ils sont tous inspirés et opèrent à travers une logique prédatrice à laquelle nul ne peut échapper : « étendre son autorité sur l’autre » en quête d’objectifs purement mercantiles. C’est devenu un postulat ! Une sorte de règle non-écrite qui s’impose aux Romains, Anglais, Français, Allemands, Américains, Soviétiques…Chinois. En peu de mots, l’objectif de ce papier est d’attirer l’attention des lecteurs/lectrices sur la République Populaire de Chine, dite communiste, dans sa transition impériale. D’où la réflexion, sans passion, d’un Afro-descendant dont le pays d’origine a subi et continue de subir le poids colonial de l’Europe et de l’Amérique du Nord.
           Dans la 4eme partie du diktat de Versailles, l’Allemagne était forcée de renoncer à son vaste empire.  Les puissances victorieuses dépeçaient l’Allemagne. Un acte qui allait engendrer l’une des plus grandes révolutions politiques/économiques/sociales/idéologiques du 20e siècle, celle de la chine de 1949. L’article 22 de la charte du pacte de la Société Des Nations-SDN, avait permis au Japon d’acquérir des territoires de la Chine, qui furent sous l’obédience de l’Allemagne. Ce qui déplaisait profusément aux chinois.  L’acte fatal qui allait exalter le nationalisme dans ce pays a un degré jamais vécu auparavant. Ainsi est apparu, Mao Tsé-toung ! 
          La Chine est une nation qui traine derrière elle une douloureuse histoire. Particulièrement marquée par des guerres civiles, des coups d’état, d’interminables successions de dynasties, telles que : Shang-QIM-Khan-Ming-Qing… des invasions étrangères (celles des Nomades, des Mongols, des Britanniques et des Japonais).
En 1911, un soulèvement militaire mit fin à la dynastie Qing au profit du républicanisme. Peu de temps après, en 1914, débuta la première guerre mondiale. Dans le pays, les luttes fratricides firent rage pour le contrôle du pouvoir politique. Cependant, le Traité de Versailles allait permettre un ralliement unitaire entre les diverses fractions en conflit contre l’occupation japonaise.
La Chine n’avait jamais été une puissance impérialiste dans le passé. Ce fut une nation très traditionnelle qui vivait au rythme de ses valeurs culturelles nationales. S’il est vrai que l’ex-dirigeant  Mao Tsé-Toung tentait d’influencer quelques conflits politiques dans le monde, c’était tout simplement une question de principe lié à son idéologie communiste qui exigeait un certain engagement internationaliste. Mais en réalité, la Chine se repliait sur elle-même à travers des programmes de développement national et des tentatives de consolidation interne de pouvoir.
           Mais en 1972, une initiative américaine, ingénieusement préparée par le président Richard Nixon, allait changer la donne. Ainsi, la prédiction de Napoléon de 1816, « Laissez donc la Chine dormir, car lorsque la Chine s'éveillera le monde entier tremblera », allait devenir une réalité.
 Du 21 au 28 février 1972, Richard Nixon et son équipe séjournèrent en Chine. « La semaine qui a changé le monde », c’est ainsi que le président américain qualifia la visite. Pourquoi ? D’abord, du point de vue stratégique, Nixon entendait exploiter le conflit sino-soviétique autour d’une question frontalière qui avait mis militairement les deux pays face à face. Il y avait eu mort d’homme. Il entendait se rapprocher de la Chine, sous prétexte d’avoir un ennemi commun, l’Union Soviétique, dans le but de freiner son influence dans le continent asiatique. La Chine, longtemps isolée de l’ambiance internationale, voulait en profiter pour sortir et s’ouvrir vers le commerce international. Donc, c’était une rencontre bien calculée avec des gains mutuels certains. Mao Tsé-toung mourut quatre ans après. Ce qui ouvrit le champ libre au pragmatique Ding Xiaoping de tourner la page obscurantiste de la longue révolution culturelle de Mao et de s’offrir pleinement à la modernité occidentale. « Si la Chine ouvrira ses portes, des mouches entreront forcément », ou encore « Peu importe que le chat soit noir ou blanc pourvu qu'il attrape les souris », l’objectif fondamental du chairman Deng Xiaoping consistait à offrir de nouvelles opportunités économiques/technologiques/sociales aux nationaux.
En octobre 2000, soit 18 ans après la visite de Richard Nixon, et 3 ans après la mort de Deng Xiaoping, les Etats-Unis et la Chine signèrent leur premier traité de libre-échange.
Aujourd’hui, des 24.4 trillions de dollars de dettes des Etats-Unis aux gouvernements étrangers, la Chine à elle seule compte plus de 1.13 trillions là-dedans. En 2014, la Banque Mondiale déclara que la Chine est la plus grande économie mondiale en fonction de son PIB à parité de pouvoir d'achat (PPA).  En 2019, son PIB PPA a atteint 27 000 milliards de dollars, quand celui des États-Unis fut de 22 000 milliards. Donc, la République Populaire de Chine est incontournable au niveau de la vente et de l’achat. Avec une économie en pleine croissance depuis près d’une décennie, cette nation est très forte. En 2017, son exportation  fut de l’ordre de 2 157 milliards de dollars. Elle exporte tout : matériels de communication, textiles, vêtements, machines électriques, ordinateurs…L’Amérique est le plus grand consommateur des produits chinois avec près de 20%. Pourtant, le tigre asiatique n’importait seulement de 8% des Etats-Unis d’Amérique.
Voici quelques chiffres qui pourraient vous donner une idée de ce que représente ce pays sur l’échiquier mondial. L’état chinois produit plus de 71 milliards de tonnes de textiles annuellement ; elle vend 858.300 automobiles par an dans le monde ; elle abrite 430.000 entreprises étrangères ; elle possède plus de 4000 banques d’épargne et de crédit ; elle construit plus de 60.000 kilomètres d’autoroute. En revanche, la Chine consomme plus de 8 millions de barils de pétrole par jour, ce qui fait que 16 des 20 villes les plus polluées du globe sont situées là-bas. Sans oublier qu’elle consomme 25% des produits de luxe à l’échelle planétaire. Il est important de souligner que les Chinois sont les maitres de la contrefaçon dans le monde à 80%.
Forte de ce degré de développement économique et social, la Chine devient impérialiste.  Dans un sens, il s’agit d’un aboutissement naturel et logique. La surproduction, une étape supérieure dans la création des richesses, est le premier passage qui exige un grand besoin de consommateurs. Les peuples, trop gâtés par la consommation abondante et luxueuse, sollicitent de plus en plus de leurs dirigeants. Cette étape dans la vie d’un peuple projette des réverbérations de supériorité par rapport aux autres qui n’atteignent pas ce même niveau élevé de vie.
La Chine est entrée dans cette phase ou l’humanisme marxiste n’est plus au rendez-vous. La domination et le profit défient toutes les autres logiques altruistes, jugées trop lâches ;  et, elle s’impose comme les nouveaux crédos nationaux. L’idéologie prolétarienne internationaliste est vite remplacée par la nécessite « d’étendre son autorité sur d’autres peuples ». L’orthodoxie fait place à la real politique.
Le grand paradoxe chinois est d’autant plus étrange que grotesque. Le parti dit « communiste » est au pouvoir depuis 1949 ; c’est le totalitarisme total. Les dirigeants Chinois se réclament du socialisme. Cependant, la gestion économique du pays se fait par l’application des lois du marché. Contradiction flagrante ! Certains parlent d’économie socialiste de marché, deux termes totalement antagoniques. En réalité, il n’y a pas encore une définition empirique de l’expérience chinoise en cours ; même les chinois eux-mêmes n’arrivent pas à en produire une formulation normative.
 Mon avis personnel, c’est juste une étape transitoire vers le système capitaliste avec des visées impériales soutenues.
Au cours de l’année 2009, j’avais publié dans les colonnes de www.mondialisation.ca, un article sous le titre « Flash ! Les rapaces sont de retour dans les rues africaines ! ». En voici un extrait : « Jusqu’à présent, les Chinois n’expriment aucune velléité soutenue de s’immiscer dans les affaires politiques des pays où ils sont présents. Mais, pour combien de temps cette « politique apolitique » va-t-elle tenir ? French Howard, un ancien correspondant du journal New York Times  pour l’Afrique, dans une interview accordée au New Yorker» a opiné de cette façon : ‘Les Chinois sont apolitiques dans le sens qu’ils ne sont porteurs d’aucun projet axé sur un système de valeur (chinois), qu’ils tentent d’imposer dans les pays où ils en sont opération. Cependant, ils sont politiques en terme de stratégies adoptées conformément à la réalité de chaque pays africain’ (…) ».  Ce que Howard French a négligé de mentionner, c’est que les Chinois pratiquent « l’Art de la guerre » de Sun Tzu. L’économie et les finances d’abord, la politique ensuite. C’est-à-dire, laisser les Occidentaux s’empêtrer dans des conflits armés et religieux sans issus, tels que : coup d’état, génocide à la rwandaise, autant que possible, détruisant ainsi davantage leur crédibilité et leur position morale. Le Chinois s’imposera alors comme l’alternative du moment, en temps et lieu. 
J’avais vu juste. L’impérialisme chinois est visible partout aujourd’hui. En Amérique Latine et les Caraïbes, en particulier à la Jamaïque, il est si présent que certains citoyens commencent à se questionner sur la forte présence jaune dans leur pays. D’ailleurs, le « Jamaica Observer » du 24 avril 2020 dernier,  publia un article très révélateur sous le titre « Chinese Firm takes over Kingston Freeport Management Company ». Le gouvernement jamaïcain a été notifié par CMA CGM de l’intention de transférer KFTL (Kingston Freeport Terminal Limited) à « Terminal Link », avant l’annonce officielle de la transaction. Rien n’a été fait pour stopper la marche impériale ascendante de la Chine dans les Caraïbes.
En Afrique, c’est pire. Tous les pays de ce continent, à l’exception d’un seul état, établissent des rapports diplomatiques avec la Chine. Avant, ils maintenaient des relations avec Taiwan. C’est révolu  maintenant.  Ils sont forcés de choisir, car la condition sine qua non imposée à tout pays, c’est de renoncer aux relations diplomatiques avec Taiwan.  De plus, un million de Chinois prennent habitation sur le continent noir. Partout, on rencontre des commerçants chinois. Ils sont motivés, financés et grassement payés pour s’y établir.
L’Afrique a une dette de 143 milliards de dollars à l’égard de la Chine. La Zambie s’apprête à céder le contrôle de la 3e mine de cuivre du pays aux chinois, parce que ne pouvant plus honorer sa dette.
La langue chinoise, le Mandarin, est officielle en Afrique du Sud et est enseignée à l’école. En revanche, on n’introduit pas le Wolof, le Lingala, le Yorouba, l’Oromo, l’Haoussa ou le Swahili…dans le système éducatif du continent, qui sont des langues africaines de plusieurs millénaires.
La république populaire chinoise est en train d’endetter l’Afrique comme les empires occidentaux l’avaient fait auparavant.  Il s’agit d’une pratique malsaine qui consiste à prêter de fortes sommes d’argent, hors de la capacité de remboursement de certains états africains, à l’effet de les pressurer plus tard. Quand ils sont plus en mesure d’honorer le paiement de ces dettes faramineuses, le gouvernement chinois intervient. Il propose une soi-disant  « négociation ». Fort souvent, il entre en possession des secteurs économiques et financiers clés de ces pays, comme les ports, aéroports, plusieurs centaines hectares de terre…pour regagner leur argent.
D’ailleurs, ils se foutent pas mal de la nature des gouvernements au pouvoir. Au contraire, ils préfèrent conclure des affaires avec les plus corrompus ; c’est plus juteux et moins exigeant. Il n’y a aucune morale dans les transactions économiques et financières avec les autres pays, en particulier, ceux de l’Afrique. Par-dessus tout, les responsables chinois (politiques et économiques) affichent un racisme répugnant à l’égard des NOIRS. Ils maltraitent leurs employés nègres : ils vont jusqu’à les fouetter comme des esclaves s’ils n’arrivent pas à l’heure au boulot. Ils exploitent sexuellement les femmes africaines.
En dernier lieu, les 200.000 Africains qui séjournent en Chine ont vu de toutes les couleurs. Sous les yeux de la police, parfois avec leurs participations, les Noirs sont expulsés de leurs appartements et jetés dehors, sous prétexte qu’ils sont porteurs de coronavirus. Ils ne peuvent plus fréquenter les marchés publics, les magasins, les restaurants, les boites de nuit…Le gouvernement chinois n’a levé le petit doigt pour faire respecter les droits des migrants noirs conformément aux conventions internationales.
Aucune prétention hégémonique n’est possible sans l’existence d’une forte armée et des influences diplomatiques. La Chine est l’un des cinq membres du conseil permanent des Nations Unies. Ce privilège permet de dominer l’échiquier international, car jouissant du droit illimité de veto, il faut toujours compter sur la Chine.
Ce géant asiatique fait partie des huit (8) nations détentrices d’armes nucléaires dans le monde. L’actuel président chinois_ XI Jinping, peu de temps après son arrivé au pouvoir_, exprima clairement son intention de moderniser l’armée de son pays. Ainsi, en 2015, dans son premier livre blanc « La feuille de route de la défense », la nouvelle image de l’armada chinoise a été dessinée. Quatre ans après, une deuxième version est apparue pour calmer les autres puissances mondiales qui s’interrogeaient sur les vraies intentions militaires. La Chine rassure. Cela n’empêche pas que les autorités locales aient consacré 1.8% du PIB au service de l’armée, soit 240 milliards de dollars l’an. Donc, sur le plan militaire, les Chinois se mettent au diapason avec les succès économiques des 25 dernières années afin de pouvoir répondre aux nouvelles exigences géopolitiques à venir.
La Chine a établi sa première base militaire en dehors du territoire national.  « La Chine est après les Etats-Unis, le 2e pays le plus impliqué dans les opérations de maintien de la paix. C’est une position que la Chine défend d’autant plus qu’elle a pour la première fois une base (militaire) à Djibouti. Une base qui pourrait accueillir jusqu’à 10.000 hommes ». D’ailleurs, comme les occidentaux, les armes chinoises envahissent les théâtres de guerre sur le continent africain, « Les ventes d’armes chinoises à l’Afrique ont augmenté de 55%, depuis l’arrivée de XI Jinping au pouvoir ». C’est une réaction normale, car la nouvelle route de la soie a besoin du soutien militaire pour que cela soit matérialisé.  Parce qu’«Elle est à la fois un ensemble de liaisons maritimes et de voies ferroviaires entre la Chine et l'Europe passant par le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l'Allemagne, la France… ». Pour combattre la piraterie maritime des groupes bien organisés, il faut les armes et les dernières technologies.
Donc, la Chine_ après avoir stratégiquement caché ses capacités militaires et son vaste plan impérial pendant des décennies_ arrive à un l’un des carrefours les historiques de son histoire. Aujourd’hui, elle  exhibe tout. Le moment du profil bas est terminé. Elle opte pour « être sur le devant de la scène mondiale ». En termes clairs, la phase hégémonique s’impose.
Bonnie Glaser, le directeur du « Think Tank » « China Power Project », s’exprime à propos de la volonté impériale en ces termes : « Lorsqu’elle voit des opportunités, la Chine se déplace pour les exploiter. Et nous sommes à un moment où les chinois voient définitivement des opportunités ». L’exploitation ipso facto de la décision de Donald Trump de stopper temporairement la contribution américaine a la puissant « Organisation Mondiale de la Sante-OMS » est le plus probant exemple de l’agressivité chinoise sur l’échiquier international. Dans moins de deux semaines, la Chine a réagi en offrant 30 millions de dollars de plus a l’organisation et invite les autres états à faire de même.
En conclusion, la Chine présente toutes les caractéristiques d’une puissance à tentation impériale. La détermination est manifeste : les intrusions hégémoniques hors de ses frontières sont connues, l’investissement et la sophistication militaires sont perceptibles, l’ethnocentrisme arrogant, le racisme barbare et désuet. Au pis-aller, la volonté du gouvernement de se lancer à la conquête d’autres marchés et civilisations se trouvent dans plusieurs discours du président XI Jinping. Il n’est que d’attendre la réaction de l’occident, en particulier celle des Etats-Unis, qui n’entendent pas partager la domination mondiale. Sommes-nous à la veille d’une autre 3ème guerre mondiale ?
Car, l’un des points communs de tout empire est la guerre !
Joel Leon

Références
Jung chang, Jon Holliday, « Mao, The Unknown History”, 2005.
Mao Zedong, “ Problèmes stratégiques de la Guerre Révolutionnaire en Chine », Gallimard 2004.
Jacques Guillermaz, « L’histoire du parti communiste chinois. Des origines à la conquête du pouvoir ». 2004.
Wikipédia, « Le traité de Versailles ».
Business Insider, “China is making the most of the Coronavirus to dislodge the US as the world’s main superpower”, James Pasley, April 29th, 2020.
Les Echos (www.lesechos.fr), « La Chine Affirme Ses Ambitions de Puissance Militaire », Frederic Schaeffer, 24 Juillet 2019.
Le livre blanc chinois, 2015 .
Deutsche Welle (www.dw.com), “ La Diplomatie Militaire de la Chine en Afrique ». Eric Topona, 26 décembre 2018.
Institut Prospective et Sécurité en Europe-IPSE.
Stockholm International Peace Research Institute-SIPRI, “Les ventes d’armes chinoises a l’Afrique”.
World Street Journal, “As Africa groans under debt, it casts wary eye at China”, Joe Parkenson/James T Areddy/Nicholas Baryo, April 17th, 2020.
Vox.com, “How China is ruthlessly exploiting the Coronavirus pandemic it helped cause”, Alex Ward, April 28th, 2020.

Jamaican observer, « Chinese Firm Takes over Kingston Freeport Management Company”, Durant Pate, April 24th, 2020.

Tuesday, April 7, 2020

Le coronavirus, instrument subtile, capable de renverser la balance internationale du pouvoir

Le coronavirus, instrument subtile, capable de renverser la balance internationale du pouvoir
Par Joël Léon
Mondialisation.ca, 05 avril 2020

« L’homo sapiens sont inhérents aux conflits » (John Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale des USA)
Le libéralisme perd de son attractivité et n’est plus considéré comme un modèle parfait pour tous.   
Serghei Lavrov, Ministre des affaires étrangères de la Russie) 
Le coronavirus, à côté des désastres humanitaires sépulcraux et dommages économiques attendrissants, constitue en soi le plus grand test de la mondialisation du début du 21e siècle avec des conséquences immenses.
On dit que la « mondialisation désigne le processus par lequel les relations entre les nations sont devenues interdépendantes et ont dépassé les limites physiques et géographiques qui pouvaient exister auparavant. » Elle a été introduite comme le nouveau paradigme du nouvel ordre mondial, c’est-à-dire, « Une nouvelle ère, moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice et plus sûre dans la quête de la paix. » Ce passage se trouvait dans le discours prononcé au congrès américain par l’ex-président George Bush Sr, le 11 septembre 1990. Il a été accueilli favorablement par tous les peuples du monde fatigués de l’expérience conflictuelle Est-Ouest, car ces mots consacrèrent les inhumations évidentes de la guerre-froide, datée de 1945.  Donc, l’avenir était radieux. 
Le mariage était de courte durée, cependant. L’espoir fut rapidement disparu. L’inquiétude revient. Dès 1999, à partir de la différence de points de vue sur le démantèlement de l’ancienne Yougoslavie et du  Kosovo_ Boris Eltsine, président de la Russie d’alors_, brandissait la menace nucléaire. Dans un langage très peu diplomatique, il rappela avec irritation la puissance de son pays: « Hier, Clinton s’est permis de faire pression sur la Russie. Il semble qu’il ait pendant une minute, une seconde, une demi-minute, oublié que la Russie dispose d’un arsenal complet d’armes nucléaires. Il a oublié cela. » Bill Clinton, dans une posture tout aussi belliqueuse, répliqua en des termes très durs : « Je ne pensais pas qu’il avait oublié que l’Amérique était une grande puissance. » Depuis lors, le nouvel ordre mondial si éloquemment miroité et défini par George Bush Sr. n’était plus.  
Tant bien que mal, malgré la tension idéologique et géopolitique, le monde n’avait pas connu de grands bouleversements qui hypothèqueraient la vie de millions de personnes, comme c’était le cas pour la première et la deuxième guerre mondiale. Jusqu’au bouleversement de la tranquillité mondiale à partir du mois de janvier 2020, avec le virus dit mortel.
Le coronavirus, qui fait rage dans le monde dit globalisé, constitue le premier grand test pour les nations après la fin de la guerre-froide. La façon d’approcher la pandémie est mal partie. Nous constatons, non sans une certaine décontenance, que les états utilisent les mêmes méthodes traditionnelles pour contenir un danger qui s’étend globalement. Chaque gouvernement essaie isolement de se battre contre le virus à l’intérieur de ses frontières, en guise de déployer des efforts conjoints. Cette attitude est le résultat de la perplexité qui a toujours marqué les relations internationales. Ce qui représente un handicap majeur empêchant de développer la nouvelle mentalité globaliste, indispensable au renforcement d’un cadre théorique et pratique pour combattre toute nouvelle réalité inédite. 
Lorsque le coronavirus faisait rage en Chine, à l’exception de la Russie et de Cuba, le monde observait l’inquiétant spectacle. On ironisait même que c’était un « mal chinois ». Pourtant, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) annonça déjà la perspective de l’enfoncement du monde dans la spirale du virus. La solidarité envers les Chinois n’était pas tout à fait au rendez-vous. On se contentait des déclarations d’intention, car les enjeux économiques restent et demeurent la préoccupation première des nations. En particulier, celle des Etats-Unis d’Amérique.
Le coronavirus arrive dans le monde à un moment où la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine a atteint son apogée. Il s’agit d’un moment décisif pour les deux états dans leur course pour l’hégémonie mondiale. Tous les spécialistes en relations internationales ont unanimement reconnu que l’Asie, en particulier la Chine, arbore des velléités manifestes de domination. Les , l’actuel dominion, essaie par tous les moyens d’empêcher ce changement radical mettant fin à son leadership planétaire. 
L’agitation Huwaei, ce géant chinois de la technologie de réseau mobile, se fait autour du contrôle de la technologie 5G. Ceci explique, entre autres, le comportement suspect, insensible et hostile, des États-Unis par rapport au soi-disant « virus chinois ». La technologie 5G « is the new thing ». Le pays qui en a la maîtrise conserve une forte chance de dominer le monde. Elle est très rentable, mais surtout elle permet de contrôler l’intelligence. Un secteur stratégique clé sur lequel Donald Trump se base pour s’assurer que le 21e siècle reste américain. Ce que la république étoilée ne digère absolument pas.
En effet, pendant que le coronavirus moissonne des vies humaines, les relations internationales ne chôment pas. Les compétitions économiques, la course aux armements, et l’influence culturelle continuent de diviser les peuples. Chaque puissant état essaie d’avancer son pion stratégique au détriment de l’autre. La coopération internationale reste un vain mot ; la realpolitik l’emporte sur le bien-être de l’homme et de son environnement.
L’enjeu économique, c’est la première préoccupation des dirigeants des puissants états_ non pas la multiplication des cadavres. Il faut rappeler que ce sont les crises pluridimensionnelles qui font chuter les empires. Le coronavirus peut être un facteur hégémonique pour les états qui arrivent à mieux s’en sortir. L’après coronavirus peut générer des bouleversements importants au niveau de la balance du pouvoir sur l’échiquier international. Les stratèges chinois et américains le comprennent bien.
Le président XI Jinping de la Chine profite de la tempête provoquée par le coronavirus pour promouvoir la stratégie de « La Nouvelle Route de la Soie », une philosophie mercantile qui rappelle le passé glorieux d’une Chine ambitieuse, florissante qui fouettait l’orgueil nationaliste du reste de l’humanité. L’Italie, déçue du suprême mépris que lui professent ses voisins de l’Union Européenne (UE) pendant la débâcle causée par le virus en question,  vient d’intégrer ce grand marché chinois qui ressemble un peu aux relations entre le CENTRE (insolent)  et la périphérie (soumise). Á cause de cette négligence de l’UE  par rapport aux Italiens au cours de la crise humanitaire qu’a causé le coronavirus, la Chine fait son entrée en Europe… au grand dam des grands ténors du Vieux Continent.  « La nouvelle Route de la Soie » s’étend cette fois-ci jusque vers le continent africain. Si les Etats-Unis sortent affaiblis du passage meurtrier de cet ange de la mort, cela peut créer un grave chambardement, en termes de qui sera le prochain maitre du monde.
Donald Trump l’a bien compris! C’est pourquoi, en pleine gestion de la crise humanitaire, il envisage la reprise prochaine de toutes les activités économiques du pays. Moins de douze ans après la sévère récession de 2008-2009, les Etats-Unis ne peuvent plus se payer le luxe de faire face à une autre, voire une dépression. Le choix est déjà fait. La priorité de l’économie sur l’homme. 
La classe traditionnelle du pouvoir d’état américaine s’exprime déjà sur la voie à prendre. Quand certains influenceurs du conservatisme se prononcent pour que les vieillards reprennent le travail ipso facto pour sauver le pays, ce n’est pas un hasard. Cette tendance représente la volonté du secteur dominant de la nomenclature états-unienne qui entend par tous les moyens éviter tout effondrement potentiel des États-Unis sur l’échiquier mondial. Car, l’économie domine tout.
Donc, dans les coulisses, l’affrontement se poursuit entre les grandes puissances économiques et technologiques du monde, sur fond du coronavirus. C’est encore le même jeu d’échec : Chacun essaie de damer le pion. 
Joël Léon


Références
The New Yorker, Dexter Filkins, “John Bolton on the war Path”
Newsweek, Tom O’Connor,4-12-2019
Discours de George Bush au congres américain, 11 septembre 1990.