Saturday, March 7, 2009

LA LUTTE SE POURSUIT...

LA LUTTE SE POURSUIT...

Il n'y a jamais eu de cadeaux, il n'y en a pas aujourd'hui et il n'y en aura jamais demain. L'engagement militant est le seul salut.

Par Joël Léon

En 1991, après l'échec du coup d'état dirigé par les durs du parti communiste de Russie, Boris Eltsine décidait d'interdire celui-ci de tout fonctionnement dans le pays au nom de la démocratie. A l'aide d'un décret, Eltsine mettait formellement et légalement ce parti en quarantaine. Au mois de mai 2003, le gouvernement irakien, issu de l'invasion américaine, prenait un décret similaire de bannissement du parti BAAS qui dirigeait le pays d'une main de fer depuis 1968, soit 35 ans de règne sans partage.

En Haïti, la constitution de 1987 interdisait, non pas un parti, parce que le régime n'était pas réellement organisé en parti, mais tous ceux qui avaient occupé une haute fonction politique ou administrative sous la dictature des Duvalier pendant leurs 30 ans de règne.

Ce sont quelques cas récents ou les vaincus durent subir la justice des vainqueurs. L'histoire est truffée de ces cas où la conjoncture s'impose fiévreusement à la structure et à la raison.

UN CONSEIL ELECTORAL APPRENTI SORCIER

La dernière sortie du Conseil électoral provisoire est tout à fait anachronique dans toute l'histoire moderne de la politique. Le conseil nous renvoie à des années en arrière, c'est-à-dire l'époque des baïonnettes, où la victoire était au bout du fusil, quand les élections étaient organisées martialement par le ministère de l'intérieur. Cela me rappelle étrangement le sort de mon héros, Anténor Firmin. Lui qui croyait au suffrage universel et symbolisait la modernité, dans un temps où les esprits les plus éclairés, parmi eux Solon Ménos, compatissaient avec le chantre du caudillisme. Vous connaissez l'histoire, Nord Alexis l'avait contraint à l'« option dramatique » qu'est la guerre civile, où l'une des plus grandes épopées nationales a eu lieu, lorsque Hammerton Killick refusa d'abandonner le navire « La Crête à Pierrot » aux Allemands. Il s'est fait sauter en mer avec le bateau après avoir débarqué l'équipage, c'était en un beau jour de 1902. Bref, le maestro Anténor Firmin, pour parodier Jean Price Mars, fut contraint au combat et à l'exil pour faciliter l'avènement du général Nord Alexis au pouvoir.

Le conseil électoral provisoire a, dans une tentative grotesque, banni le parti le plus populaire du pays. L'aspect le plus théâtral, c'est que cela s'est fait sans l'implication directe du gouvernement de la république comme ce fut le cas de la Russie ou d'Irak. L'autre répétait toujours que « nous sommes un peuple de marrons », il semble qu'il avait raison. René Préval a réalisé le plus grand marronnage du siècle en se cachant derrière quelques avatars du CEP. C'eût été plus élégant, si le gouvernement avait pris un arrêté présidentiel empêchant les activités politiques de FANMI LAVALAS dans le pays. Au moins on aurait pu déterminer la vraie nature de l'homme de Marmelade. Trop lâche, on se perd dans le labyrinthe sans fin de la traîtrise et du reniement.

Pour ma part, toute élection organisée pendant l'occupation du territoire national a très peu d'importance. Cependant, les pratiques utilisées pour procéder au rejet des candidats du parti Lavalas sont carrément répugnantes et frisent la démence. Ces élections font peur à la vieille classe politique traditionnelle, composée exclusivement de dirigeants usés et sans projets. La participation du parti Lavalas à ces élections, quoique peu claires en termes d'agendas législatifs de groupes, apparaît comme un élément perturbateur. Le coup du 29 février 2004 n'est pas encore terminé, car l'objectif fondamental est d'expulser les masses populaires de la scène politique au nom du combat contre le populisme. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre les événements de 2004. Il faut transcender la personne d'Aristide pour en saisir la moelle, c'est à dire le caché. Mais les peuples, ils sont trop têtus et intelligents pour se faire prendre. Ainsi, ils ont joué la carte de René Préval afin d'assouplir le climat de répression établi sous Latortue, tout en restant à l'offensive afin d'exploiter toute opportunité pour se repositionner sur l'échiquier politique. Les prochaines élections sénatoriales représentent cette opportunité, ils la saisissent. Pris de panique, le gouvernement et ses alliés poussent l'audace jusqu'à tenter d'évincer tout un parti du processus électoral. C'est un coup de maître, l'objectif réel est de ne plus organiser d'élections parce qu'ils ne peuvent pas les gagner ou les organiser sans les représentants du peuple.

LES RESERVES DU SECTEUR PROGRESSISTE ET NATIONAL

Par contre, il y a un problème fondamental qui prête à confusion chez une multitude de progressistes. Les candidats Lavalas, quoiqu'issus de la matrice du peuple, n'ont pas un agenda clair concernant des problèmes cruciaux qui font honte à la nation. Par exemple, la désoccupation du territoire national et le départ ipso facto des blancs de la terre de Jean-Jacques Dessalines, un arrêt à la liquidation des patrimoines nationaux, l'imposition d'un agenda national axé sur la production des biens et richesses indispensables à la dignité nationale. Les termes de campagne des candidats Lavalas sont inconnus du grand public. Où est le discours mobilisateur et libérateur des années 90 ? Il est temps qu'on renoue avec ce pacte. Les candidats d'aujourd'hui devraient être le prélude à cette grande retrouvaille pour la redéfinition d'une nouvelle stratégie de lutte et d'exercice de pouvoir. L'absence de ces mots d'espoir diminue la portée historique de ces élections législatives, et représente un danger imminent pour le grand combat psychologique des années à venir.

COMBATTRE L'OCCUPATION EST NOTRE SALUT

Tout ceci constitue un handicap en termes d'agendas populaires et d'actions concrètes nécessaires pour une mobilisation générale contre les occupants. Si le parti Lavalas est incontestablement celui des masses haïtiennes, par contre il y a déficit au niveau de l'agenda du parti. En ce moment précis de notre glorieuse histoire de peuple, le parti devrait pondre devant la face du monde son ambitieux programme qui doit être national et populaire. Par exemple, exiger le départ des forces d'occupation est une revendication nationale, un programme de reformes agraires est une nécessité populaire. Le départ des forces étrangères doit être une victoire à l'actif des organisations matrices du peuple. La lutte contre l'occupation doit faire partie de l'histoire politique des militants d'aujourd'hui. Donc, l'agenda du parti doit être le départ inconditionnel des militaires étrangers. L'insertion de ces points dans le discours politique de notre temps s'impose, car ce sera notre référence de partisans à l'image des FTP. Plus de 60 ans après, cet engagement communiste reste une référence historique pour demain: l'implication des camarades communistes français pendant la deuxième guerre mondiale contre l'occupation Allemande, à travers les « Franc-Tireurs Partisans (FTP). Aujourd'hui encore, dans le subconscient des Français repose le spectre du devoir en cas de répétition de la situation de 1944 en France. Voila à mon avis, le sens du combat pour la participation du parti aux élections sénatoriales de demain.

Il n'y a jamais eu de cadeaux, il n'y en a pas aujourd'hui et il n'y en aura jamais demain. L'engagement militant est le seul salut.

Joël Léon

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