Wednesday, March 19, 2014

Jacob Zuma au centre d'une tempête politique en Afrique du Sud

Jacob Zuma au centre d'une tempête politique en Afrique du Sud

mediaLe président Jacob Zuma doit rembourser une partie des travaux de sa résidence privée.REUTERS/Siphiwe Sibeko
Le président Jacob Zuma a été prié, ce mercredi, de rembourser de l’argent public utilisé pour effectuer des travaux dans sa résidence privée. C’est la conclusion du rapport de la médiatrice de la République, Thuli Madonsela. A un peu plus d’un mois des élections, son rapport fait état de procédures illégales et de mauvaise gestion.
Au cœur de la polémique, plus de 16 millions d’euros d’argent public qui ont été utilisés pour rénover la maison privée du président Jacob Zuma, connue sous le nom de Nkandla. L’affaire a éclaté en 2009 et pris, petit à petit, de l’ampleur. Le gouvernement a d’abord tenté d’enterrer la polémique, puis essayé de justifier les travaux en expliquant qu’il s’agissait d’améliorer la sécurité de la résidence du président.
Abus de fonds publics
Le rapport de la médiatrice Thuli Madonsela rendu public ce merdredi 19 mars est prêt depuis des mois et les membres du gouvernement ont tout fait pour essayer d’en interdire la publication. L’enquête porte sur des travaux que le gouvernement prétend être des travaux de sécurité. La médiatrice, elle, conclut qu’il s’agit de travaux personnels financés par l’Etat et, donc, qu’il y a abus de fonds publics. « Parmi les dépenses les plus coûteuse afin de respecter des critères de sécurité secondaires, il y a eu la construction d’un centre pour visiteur, la construction d’un enclos à bétail - avec un poulailler -, d’une piscine, d’un amphithéâtre, d’un chapiteau, l’extension de routes ainsi que la relocalisation de voisins qui habitaient à proximité de la résidence et qui ont été déplacés à des coûts prohibitifs. Tout cela constitue des mesures qui n’auraient jamais du être appliquées », a indiqué la médiatrice de la République Thuli Madonsela.
Le président n’est pas directement mis en cause
Le rapport est beaucoup plus large et ne se limite pas à ces travaux qui ne sont pas liés à la sécurité. Il fait également état de sommes exorbitantes du fait qu’il n’y a systématiquement pas eu d’appel d’offres, qu’il y a eu collusion, une procédure qui n’aurait pas été respectée et de mauvaise gestion. En effet, certains travaux ne sont pas d’ordre sécuritaire et le président et sa famille ont personnellement bénéficié de ces travaux. En revanche, la médiatrice dédouane le président de toute responsabilité, car elle n’a pas eu d’informations selon lesquelles Jacob Zuma a sollicité ces travaux ou qu'il était au courant.
Ceci est important, car elle ne met pas en cause directement le président. La médiatrice Thuli Madonsela ne l’accuse pas d’avoir frauduleusement utilisé de l’argent public, mais accuse son entourage, même si elle précise que le président a manqué à son devoir en ne s’assurant pas de la bonne gestion des fonds publics. Ainsi, elle recommande qu’il rembourse une partie des fonds et que les ministres responsables pour ces dépenses soient sanctionnés. Le président a deux semaines pour rendre des comptes au Parlement.
Les ministres nient les accusations
La conférence de presse de la médiatrice n’était pas encore terminée que les membres du gouvernement qui sont mis en cause dans ce rapport ont convoqué une conférence de presse. Ce fut pour une réaction à minima. Les ministres ont pris acte du rapport, expliquant qu’il faut maintenant qu’ils le lisent. Néanmoins, ils continuent de nier certains points. C’est le cas, par exemple, de la piscine. Depuis le début, ils affirment qu’il s’agit d’un réservoir d’eau en cas d’incendie. Par ailleurs, l’amphithéâtre, pour eux, est une structure pour retenir la terre. Lorsque ces ministres avaient commencé à parler - il y a quelques mois - de réservoir d’eau, ils avaient été la risée de la presse nationale.
L'opposition monte au créneau
Toute l’opposition a réagi, condamnant ce détournement de fonds publics. Le principal parti d’opposition, l’Alliance démocratique, a indiqué qu’il allait lancer une procédure de destitution au Parlement. Joint par RFI, Makashule Gana, vice-président du bureau fédéral de l'Alliance Démocratique, considère que le rapport de la médiatrice apporte assez d'éléments pour justifier cette destitution. « Nous avons toujours pensé qu'il y avait eu d'importants détournements de fonds publics au profit d'un seul individu et c'est ce que le rapport de la médiatrice a confirmé. Le président s'est rendu coupable de fautes graves et de violation de la loi », estime Makashule Gana.
« Il y a eu d'importants détournements de fonds publics au cours de la réalisation de ce projet. Il a échoué, en tant que chef de gouvernement, en ne s'assurant pas que l'argent public soit dépensé à bon escient. Nous pensons que c'est un motif valable pour que le Parlement le destitue. Nous incitons les Sud-Africains à faire pression sur leurs députés pour qu'ils votent en faveur de la destitution du président. Jeudi, nous allons aussi porter plainte pour corruption contre tous les ministères impliqués dans ces détournements de fonds publics », a déclaré vice-président du bureau fédéral de l'Alliance Démocratique.
Même si elle est effectivement présentée devant le parlement, cette résolution n'a statistiquement aucune chance de passer car il faudrait qu'au moins deux tiers des députés votent en sa faveur. Or, plus de 65% du parlement est acquis à l'ANC – le parti du président, au pouvoir depuis vingt ans – qui dispose ainsi d'une confortable majorité dans un parlement qui sera renouvelé le 7 mai prochain.
Quelles conséquences politiques ?
Les conséquences politiques sont difficiles à évaluer. Le rapport n’est pas nouveau et cela fait des mois que l’on sait ce qu’il y a dedans. Les élections, elles, se réaliseront dans un mois et demi. Le rapport confortera les déçus de l’ANC qui pensent qu’un grand nombre de membres du gouvernement sont corrompus. Il changera peut-être l’opinion d’un petit nombre de sympathisants de l’ANC. Mais, pour la grande majorité des sympathisants du parti au pouvoir, cela ne va pas les empêcher de voter ANC. La plupart y verra une manipulation politique. D’ailleurs, depuis des semaines, les cadres du parti préparent l’opinion publique à cette hypothèse.
Le secrétaire général de l’ANC, Gwede Mantashe, posait publiquement la question de savoir pourquoi sortir ce rapport maintenant, juste avant les élections, si ce n’est pour des raisons politiques. L’ANC doit tenir une conférence de presse, jeudi 20 mars, et ce sera certainement dans cette même ligne là. 

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